Le moine rescapé de Tibhirine, le frère Jean-Pierre, s’est confié dans un entretien exclusif au Figaro Magazine. L’interview publiée en ce début du mois de février est passée pratiquement inaperçue, en raison, peut-être, de l’actualité révolutionnaire en Tunisie et en Egypte.
Pourtant, l’homme de foi, qui paraît bien lucide malgré ses 88 ans, ne limitera pas son témoignage à des commentaires sur le film Des hommes et des dieux qui a voulu retracer la vie paisible dans ce monastère et le drame de l’enlèvement des moines par les GIA en 1996.
Répondant aux questions orientées du journaliste à l’affût d’un scoop sur les circonstances et les auteurs du kidnapping, le frère Jean-Pierre n’a pas hésité à balayer la thèse réfutant la responsabilité des groupes islamistes armés dans cette tragédie.
Il s’explique en révélant les propos d’une conversation entre les ravisseurs que le gardien du monastère lui a rapportés le soir même de l’enlèvement : «Va chercher une ficelle, il va voir ce que c’est que le GIA», avait dit l’un des hommes armés à son acolyte en désignant le gardien qui a finalement pu «s’éclipser», selon les termes employés par le frère Jean-Pierre.
Plus que ce détail très significatif, le père qui a échappé à l’enlèvement, parce que les terroristes ignoraient le nombre exact de moines officiant à Tibhirine, rappelle que le GIA s’est exprimé par des communiqués très explicites sur leur haine contre les hommes de confession chrétienne présents en Algérie : «Dans un de ses communiqués sur la radio Medi 1, le GIA donne une raison à leur mise à mort : «Les gens s’évangélisent à leur contact, car ils avaient des relations et ils sortaient de leur monastère, ce que des moines ne doivent pas faire. Ils méritent la mort. Nous sommes en droit de les exécuter.» Voilà donc une des raisons. Elle est donnée par les islamistes eux-mêmes.
Par la suite, d’autres motifs ont été donnés qui sont plutôt des hypothèses, en attendant le verdict du juge d’instruction, qui poursuit une enquête sur les circonstances de leur enlèvement et de leur mise à mort.»
Appuyant ce retour clairvoyant sur la barbarie du terrorisme islamiste dans les années 1990 par une démonstration de piété exemplaire, le moine rescapé de cette triste fin pour ses frères du monastère déclare, en réponse à cette question empreinte du choc des civilisations, à savoir s’il n’a jamais ressenti de haine pendant et après un tel drame.
«C’est curieux, mais je n’éprouve pas ce sentiment-là» répond-il, en ajoutant : «Bien sûr, cela marque, cela fait souffrir, cela fait de la peine… Mais on savait «pourquoi», on était tous prêts pour cela ! La vie n’est qu’un passage, elle se termine d’une façon ou d’une autre. Après, on rejoint le Seigneur.»
Une belle leçon à l’adresse de ceux qui sponsorisent l’intolérance ou à ceux qui veulent utiliser cette tragédie pour attaquer l’Algérie ou son Armée nationale populaire qui a pu neutraliser ces hordes de criminels qui ont causé tant de mal aux chrétiens de Tibhirine mais aussi aux musulmans d’Algérie.
Ali Djezair