Coïncidence calendaire (même s’il n’en existe jamais en politique) ou bien choix judicieusement calculé par les acteurs de cet accord, les islamistes d’Ançar Dine et les laïques du MNLA, qui sont deux groupes armés maliens, essentiellement formés de Touareg, ont signé un accord d’une extrême importance, au lendemain de la décision prise par le Conseil de sécurité de l’Onu, d’autoriser (sous conditions) le recours à la force armée aux fins de libérer le nord de ce pays, sous contrôle terroristes, depuis le mois d’avril passé.
Les frères ennemis touareg, que tout semblait séparer, étant islamistes pour les uns et laïques pour les autres, et que Blaise Compaoré, président burkinabé, a renoncé à réconcilier, ont fini par trouver un terrain d’entente et pas mal de dénominateurs communs au point de signer un accord, le tout grâce à la précieuse médiation de l’Algérie.
Ce qui était chimérique, de plus en plus difficile à atteindre, au point où l’Onu a fini par accepter le principe d’envoi d’une force internationale dans la partie septentrionale du Mali, est bel et bien devenu une réalité.
Un accord historique, qui promet de renverser la donne et d’opérer un tournant décisif dans le déroulement des évènements dans ce pays, mais aussi dans toute la bande sahélo-saharienne, a en effet été conclu, ce samedi, tard dans la soirée, à Alger entre des représentants des mouvements touareg, d’Ançar Dine et du MNLA (Mouvement national pour la libération de l’Azawad).
L’importance de cet accord, en tous cas, se mesure à l’aune des énormes risques d’afghanisation et d’irakisation de toute la vaste bande sahélo-saharienne, en cas d’intervention militaire étrangère, dans le nord du Mali.
Alger, qui ne ménage aucun effort, en vue de mettre toutes les chances du côté de la paix, ou à tout le moins d’un règlement interne de cette crise, sans ingérence étrangère de quelque nature qu’elle soit, vient ainsi de réussir la gageure d’isoler les groupes extrémistes d’Aqmi (Al-Qaïda au Maghreb arabe) et le MUJAO (Mouvement pour l’unicité et le jihad en Afrique de l’Ouest). Ces mouvements, criminels et extrémistes, sont également formés d’éléments étrangers au Mali, venus de plusieurs pays.
Le fait que le MNLA s’en soit démarqué, suivi maintenant par Ançar Dine, va forcément les isoler, les affaiblir, les couper des populations locales, et permettre, ainsi, de les combattre et de les vaincre sans avoir besoin de recourir à une force étrangère, avec le risque de «légitimation du jihad» que cela pourrait impliquer.
Preuve en est que la déclaration commune, sanctionnant la réunion, tenue sous l’égide de l’Algérie, les deux mouvements de la rébellion touaregue du Mali, s’engagent également à sécuriser les zones sous leur contrôle et à agir de manière à permettre la libération de toute personne se trouvant en état de captivité et/ou d’otage dans la zone affectée.
Le même accord engage également ses signataires à sécuriser les zones sous leur autorité, à travers la mise en place de forces de sécurité composées des éléments de leurs groupes respectifs.
Ce n’est pas tout. Ils s’engagent également à conjuguer et coordonner leurs positions et actions dans le cadre de toute démarche visant la recherche d’une situation pacifique et durable avec les autorités de transition maliennes, avec les garanties des parties concernées.
Le MNLA et Ançar Dine expliquent, dans ce document, leur engagement par leur prise de conscience des évènements malheureux et tragiques qui, par suite d’une gouvernance défaillante par le pouvoir central, ont conduit à une partition de fait du pays, troublé gravement la paix et la sécurité au Mali, compromis sa souveraineté, son intégrité territoriale et son unité nationale, et entravé les efforts de son développement.
C’est, donc tout naturellement que les représentants de ces deux groupes touareg armés, qui se trouvent être les organisations les plus légitimes habilitées à s’exprimer au nord de la région nord-malienne, ont déploré et rejeté cette décision prise par l’Onu de recourir à une force armée internationale. En fin de compte, c’est encore une fois la thèse d’Alger qui prend le dessus. Il s’en est fallu d’un cheveu, mais le fait est là…
Kamel Zaïdi