Le ministre des ressources en eau, M. Hocine Necib, hier, au forum de “liberté” “L’Algérie est dans une phase de renouveau hydrique”

Le ministre des ressources en eau, M. Hocine Necib, hier, au forum de “liberté”  “L’Algérie est dans une phase de renouveau hydrique”

L’invité du Forum de Liberté rassure : “L’eau va couler à flots des robinets l’été prochain et l’Algérie est à l’abri d’un stress hydrique pour une période de deux ans.” Comme il dément la menace qui pèse sur nos barrages suite aux derniers tremblements de terre, rassurant, du coup, les populations. En revanche, il reconnaît que la bataille de l’eau se mène au quotidien et annonce que la police de l’eau va sévir contre le gaspillage et le pillage de l’or bleu.

“J’étais heureux quand j’étais au secteur des travaux publics, car chaque ouvrage qui désenclavait une région me donnait satisfaction. Aujourd’hui, je suis à la tête du secteur de l’eau. Donner de l’eau, c’est un sentiment plus fort. Mais la bataille de l’eau est une œuvre quotidienne”, avertit le ministre qui a dressé, hier, un bilan exhaustif de son secteur. Invité au Forum de Liberté, M. Necib s’est montré optimiste. Très optimiste au vu des réalisations et des avancées enregistrées par l’Algérie, mais surtout très satisfait d’avoir fait le passage du “stress hydrique des années 2000-2002” au “renouveau hydrique”. Mais est-ce suffisant pour un secteur névralgique comme l’eau ? Vingt-quatre heures après son retour du Forum mondial de l’eau qui s’est tenu en Corée du Sud du 12 au 17 avril derniers, un forum placé sous le thème : “De l’eau pour l’avenir”, le ministre développe une vision essentiellement orientée vers l’économie de l’eau. Il le dira sans ambages : “Avant de parler de développement durable, il faut d’abord parler de développement tout court.” Pour lui, il est inconcevable que 2,5 milliards d’habitants ne bénéficient pas d’assainissement alors que 800 millions d’âmes n’ont pas accès à l’eau potable. Arguant que l’Algérie est sortie de la zone rouge, il situera, toutefois, les insuffisances qui handicapent ce secteur et le gaspillage de l’or bleu. Sur les 6 milliards de mètres cubes d’eau stockés dans nos barrages, soit 460 000 m3 de plus qu’en 2014, 45% vont dans les fuites, le gaspillage et le pillage de l’eau. “Le niveau de perte est important. Et tant que les tarifs de l’eau sont aussi bas, le citoyen n’a pas cette prise de conscience de l’économiser. Malgré les campagnes de sensibilisation menées par le ministère, l’état des lieux est toujours le même”, dira M. Necib.

10% de branchements illicites !

Cela étant dit, les pertes quantitatives sont aussi liées aux branchements et à la tuyauterie. Dans plusieurs villes d’Algérie, cette eau est acheminée via des conduites galvanisées et en PVC. D’où les pertes physiques qui se traduisent par des fuites quotidiennes et du manque à gagner. Selon le ministre, des travaux sont engagés dans 17 chefs-lieux de wilaya sur un linéaire de 30 000 km. “Si nous atteignons 3 000 km/an, ce sera l’idéal pour rénover le réseau avec de la fonte et du PEHP. D’abord c’est rentable, ensuite c’est durable”, plaide-t-il. Sur ce constat se greffe le vol de l’eau. Le chiffre est aussi effarant : 10% des Algériens s’alimentent avec des branchements illicites. Pas seulement puisque même les entreprises piquent de l’eau depuis les conduites principales. En parallèle, les agriculteurs continuent à irriguer leurs terres avec des procédés vétustes. “Le gaspillage de l’eau nous ruine au quotidien”, se plaint M. Necib qui, par ailleurs, a annoncé l’ouverture prochaine à Relizane d’une usine qui va fabriquer des kits d’irrigation moins coûteux et économiques. Et pour réussir un tel pari, il n’exclut pas d’aller vers des avantages fiscaux et parafiscaux pour encourager les investisseurs dans ce type d’appareils pour sauvegarder cette eau pour les générations futures.

Il annoncera, en ce sens, qu’il vient d’engager des discussions avec le ministère de l’Intérieur et des Collectivités locales pour fédérer les moyens financiers, via les plans communaux de développement (PCD), afin de rénover les réseaux et mettre fin au gaspillage de l’eau. Et au ministre de sortir la grosse artillerie : “Nous irons vers des dispositifs de répression. La police de l’eau sera déployée et verbalisera les gaspilleurs, les pollueurs et les pilleurs d’eau. Je vous avoue que la progression dans la sensibilisation est timide, mais nous allons sévir.” Pour M Necib, la réalisation de barrages et autres retenues collinaires ne suffit pas, aujourd’hui, pour atteindre les objectifs. À ses yeux, il s’agit de préserver les acquis, d’autant que l’Algérie, “dans le cas extrême”, souligne-t-il, est à l’abri du stress hydrique pour une période de 2 ans, avec un taux de remplissage des barrages qui oscillent entre 89 et 100%.

“Le barrage d’eau est le seul gros ouvrage qui résiste au séisme”

Interrogé au sujet de la polémique liée à la sécurité des barrages d’eau, M. Necib porte une double casquette : celle d’un ministre de la République qui assume ses déclarations et celle d’un ingénieur et fin connaisseur des gros ouvrages. “Des experts sèment la psychose arguant que le barrage de Béni Haroun a été fragilisé par le séisme. Dans l’histoire de l’humanité, aucun barrage d’eau n’a été affecté par un séisme. Je rassure les populations qu’il n’y a absolument aucun risque ! Heureusement que je connais l’aléa sismique. Je le dis et je le répète, le barrage d’eau est le seul gros ouvrage qui résiste au séisme. Car, il reçoit des effets horizontaux et, du coup, c’est un ouvrage qui est construit avec des matériaux résistant aux lourdes charges”, a insisté l’invité du forum de Liberté. Celui-ci révélera que des diagnostics sont faits régulièrement et des réseaux d’auscultation surveillent au quotidien ces ouvrages.

Il révélera également qu’un panel d’experts internationaux a été mis en place en 2007 pour suivre ces barrages construits, par ailleurs, selon les normes internationales. M Necib reprochera à ces experts d’avoir semé la zizanie dans un domaine qu’ils ne maîtrisent même pas. “Ils sont experts dans leur domaine, pas dans les barrages. Je défie quiconque sur ce sujet”, lâchera encore l’invité de Liberté. En revanche, le ministre a avoué que des villes sont exposées aux inondations à cause du taux de pluviométrie. Il indiquera que des contrats ont été signés avec des sociétés étrangères et que l’Algérie est passée à l’étape suivante avec l’Union européenne pour mener à bout le projet d’une stratégie internationale et dont l’échéance est fixée à fin 2015 pour sécuriser ces villes.

Vers une “solidarité hydrique du territoire”

L’autre sous-secteur qui en bénéficiera, en premier lieu, c’est l’agriculture qui recevra cette eau orientée vers l’irrigation de 230 000 hectares de périmètres. Il révélera que le mégaprojet porte sur 1 million d’hectares d’irrigation. Autre sujet qui tient à cœur au ministre, la “solidarité hydrique du territoire” via des “autoroutes hydriques”.

Ainsi, outre l’interconnexion des barrages d’eau, il est prévu un plan national d’aménagement et de distribution de l’eau en temps de pénurie. Il s’agit, selon M. Necib, de procéder au transfert immédiat de la ressource en eau des villes limitrophes vers les zones touchées par le manque de pluviométrie. “Ce sera une sorte d’exportation de l’eau”, insiste-t-il. Il révélera, à ce propos, que le transfert de l’eau de la nappe de Laghouat vers Djelfa, M’sila et Tiaret, avec un débit de 4 m3, soulagera beaucoup de populations qui n’ont pas accès à la ressource H24. Toutefois, il indiquera que des efforts restent à faire dans le Grand-Sud et les Hauts-plateaux où l’eau nécessite encore sa déminéralisation, à l’image de Borma, Touggourt, Ouargla et Tamanrasset. À la question si tous les Algériens ont accès à cette ressource H24, M. Necib réplique : “non.” Selon lui, seulement 38% de la population ont accès à l’eau sans interruption.

La gestion de l’eau reviendra aux Algériens

En revanche, il insistera à dire que les industriels doivent recycler cette ressource. Il révélera que des discussions sont en cours avec le ministre de l’Industrie pour convaincre les grandes sociétés d’installer des stations de recyclage d’eau pour parer au gaspillage. Face à cette optique, et pour mieux optimiser les efforts consentis et les 43 milliards de dollars US investis en moins de 15 ans dans ce secteur, M. Necib plaide pour une gestion déléguée de l’eau et le transfert du savoir-faire, en sus de l’ouverture d’un centre de formation en ressources hydriques. Il indiquera que le contrat avec Seaal (Alger) s’achèvera en septembre 2016. En revanche, il citera l’exemple du contrat renouvelé à Oran sous une autre forme. “J’ai préféré opter pour une autre formule qui consiste à une reconduction aménagée pour préparer la relève. Le panel d’étrangers en place est dédié à l’assistance technique. C’est pour cette raison que j’ai insisté sur le transfert du savoir-faire”, explique encore le ministre. Celui, qui avait présidé, il y a quatre jours, en Corée du Sud la session des ministres africains de l’Eau, a également annoncé que l’Algérie est le premier pays à avoir achevé (en 2011-ndlr) le processus engagé avec les Nations unies sur l’accès à l’eau. Et de conclure : “La tâche est plus compliquée que durant les années 2000-2002. Car, pour préserver l’eau et gagner la bataille contre le gaspillage, il faut consentir beaucoup plus d’efforts.”

F. B