Le ministre de l’intérieur n’évoque toujours pas le rendez-vous électoral, Bedoui : le silence qui confirme l’impasse

Le ministre de l’intérieur n’évoque toujours pas le rendez-vous électoral, Bedoui : le silence qui confirme l’impasse

Même la Haute instance indépendante de surveillance des élections (Hiise), présidée par Abdelwahab Derbal, a “disparu” des écrans radars depuis quelques semaines.

Il y a encore quelques mois, on lui prêtait un destin de joker de la République, au regard de son activisme débordant, ses visites à un rythme soutenu à travers nombre de wilayas du pays et les projets, dont certains d’envergure, comme le mégaprojet énergétique lancé au printemps dernier à Timimoun, en présence du ministre de l’Énergie et de celui des Travaux publics. Noureddine Bedoui, le ministre de l’Intérieur et des Collectivités locales, qui d’ordinaire s’employait plusieurs mois à l’avance pour sensibiliser l’opinion sur l’échéance électorale, en alternant sorties sur le terrain et efforts de communication, se complaît, depuis quelques semaines, dans un mutisme assourdissant concernant la prochaine élection présidentielle.

Aucun mot, pour l’heure, sur les préparatifs, autant politique que logistique. Et aucune campagne publicitaire, comme cela se faisait il y a encore quelques mois, dans l’optique de susciter quelque engouement des électeurs, surtout que les élections, ces dernières années, ont été marquées par une désaffection sans commune mesure. Tout se passe comme si une espèce d’omerta, conjuguée à l’opacité, devait entourer ce rendez-vous qui focalise observateurs et chancelleries. Pourtant, ce ne sont pas les occasions qui manquent pour le ministre, auquel échoit le rôle premier d’évoquer tout ce qui a trait à l’organisation, aux préparatifs et aux moyens, autant matériels qu’humains, mobilisés pour l’échéance, pour s’exprimer sur la question.

Dimanche dernier, il avait présidé la rencontre nationale sur la qualité du service public organisé par l’Observatoire national de service public (ONSP) en présence du ministre du Travail, de l’Emploi et de la Sécurité sociale et de la présidente du Conseil national des droits de l’Homme (CNDH), Fafa Benzerrouki. Noureddine Bedoui a parlé de tout, de la numérisation, des documents biométriques, de la formation des élus, de la décentralisation, mais point des élections. Ce fut le cas également lors de la rencontre avec les walis, fin novembre, où il a été plutôt question de la décentralisation, de l’attractivité des territoires, des défis de l’entrepreneuriat et de l’écosystème numérique. Même lors de certaines rencontres avec des dirigeants étrangers, il ne concède pas à s’exprimer devant les médias sur le sujet.

Ce silence, à moins de quatre mois de l’échéance électorale, ne dissimule pas moins quelque cafouillage et l’absence de cap chez un Exécutif visiblement prisonnier du rapport de force dans le sérail. Bedoui a-t-il été instruit pour ne pas se hasarder à s’exprimer sur une échéance qui s’annonce comme un serpent de mer ? Il faut dire que même la Haute instance indépendante de surveillance des élections (Hiise), présidée par Abdelwahab Derbal, a “disparu” des écrans radars depuis quelques semaines, soit dès le lendemain de la fin des rencontres de formation organisées à l’intention des structures locales de l’Instance. Incommodé par les critiques formulées par la mission de l’observation de l’UE lors des législatives de mai 2017, Abdelwahab Derbal n’a jamais donné suite aux recommandations sur lesquelles, objectivement, il devait communiquer à la veille d’une échéance aussi importante que la présidentielle.

“L’amélioration du processus électoral dans notre pays est une mission nationale noble et stratégique, car il s’agit de la sécurité et de la stabilité qui sont la clé du développement durable”, disait-il seulement en septembre dernier. Sous le feu des critiques de l’opposition également, l’ancien cadre d’Ennahda avait même tenté, en août dernier, de rassurer en perspective de la… présidentielle. La Hiise s’est dit, en effet, disposée à écouter les préoccupations des formations politiques, en vue de peaufiner son travail et d’adopter “une plateforme commune pour la surveillance des élections et parvenir à des élections rassurantes en termes de probité et transparence, étant un engagement constitutionnel de l’instance et une exigence politique authentique”. Depuis, mystère et boule de gomme !

S’il ne faut probablement pas être grand clerc pour deviner quelque malaise au sommet, il demeure évident que le mutisme dans lequel sont plongés les acteurs chargés de la préparation et de la surveillance de la prochaine échéance, au-delà de l’incertitude qui entoure l’organisation du scrutin, maintenant que des initiatives en faveur du report se multiplient et que l’intention présidentielle est élevée au rang de secret d’État, traduit de façon éclatante l’impasse politique dans lequel semble s’être englué le régime.

Karim Kebir