Le ministre de l’Enseignement supérieur, l’a affirmé : “C’est à l’université de combattre l’extrémisme”

Le ministre de l’Enseignement supérieur, l’a affirmé : “C’est à l’université de combattre l’extrémisme”

Pour le ministre, les récentes réformes engagées par le Président de la République «consacrent le rôle de l’université dans le développement social.»

«L’extrémisme n’est pas un phénomène propre à un pays donné mais il est source d’appréhension pour bon nombre de sociétés, et c’est à l’université qu’incombe la responsabilité d’en chercher les solutions». Tel est le constat fait, hier, par Rachid Haraoubia, ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche scientifique, en marge d’un colloque national sur l’ «extrémisme dans la pensée, la religion et la politique», tenu à l’Université Alger 3.

Le rôle de l’université, a-t-il insisté devant un panel d’universitaires et d’experts, ne doit, en aucun cas, «se limiter à produire du savoir ou animer des débats, mais, plutôt, à former des compétences responsables loin de tout aspect d’extrémisme». L’important, aux yeux de M. Haraoubia, «est l’acceptation des idées autour desquelles il y a un consensus national et qui vont dans l’intérêt de la société algérienne». Pour le ministre, les récentes réformes engagées par le Président de la République «consacrent le rôle de l’université dans le développement social». Lui succédant, des uni- versitaires ont posé des problématiques de taille. La nocivité de l’extrémisme provient-elle de la pensée extrême elle-même ? Est-ce par extrémisme, on veut dire, forcément, islamisme? L’extrémisme idéel sert-il seulement d’alibi à des intérêts de groupes ou de personnes ?

Le Dr Kennouche Tayeb, sociologue au CREAD de Bouzaréah, a fait savoir que par la disparition ou l’absence d’autrui et de différence, «la sociologie s’est retrouvée en quelque sorte amputée d’une grande partie d’humanité qui aujourd’hui la condamne». Dans une communication intitulée «Le comparatisme dans les sciences sociales : apparition de l’autre et construction de soi», le chercheur met l’accent sur la nécessité de la recherche d’un équilibre parfait.

«Le sociologue aura dans une construction dialectique à faire apparaître l’autre pour se découvrir en lui», enchaîne l’universitaire. Lui emboîtant le pas, Professeur Abdelkader Mahmoudi trouve l’explication de ce phénomène «dans la construction du soi en rejetant l’autre».

Abordant la question de l’extrémisme dans le champ politique, Professeur Fatma- Zohra Filali a d’emblée précisé que ce vocable, comme tant d’autres d’ailleurs, «est mal défini.» Pour elle, l’extrémisme est «à la fois doctrine et mouvements politiques nombreux et diversifiés». Sur sa lancée, elle s’interroge si ce phénomène est à ancrage national ou à vocation internationale. Aussi, il y a lieu, enchaîne l’oratrice, de savoir où classer les mouvements islamistes.

Quant à la pensée extrémiste, Dr Said Boumaiza, enseignant à la faculté des sciences politiques et de l’information, admet qu’il s’agit d’un phénomène dangereux, et que son affrontement doit se faire à travers «des pratiques politiques comme c’est le cas dans les pays démocratiques qui proposent des solutions pacifiques». Le bannissement de l’extrémisme, soutient-il, est «tributaire de la garantie de la stabilité politique et sociale».

Auteur d’une communication intitulée «La réconciliation nationale : une nécessité sociale», Dr Karadji Mustapha, enseignant de droit à l’université de Sidi Bel-Abbès, s’interroge : que peut-on espérer d’un tel projet ? «Il vient à un moment crucial dans la construction de l’Etat face à des défis globaux qui s’imposent et auxquels il faut répondre par une stratégie de développement politique, économi- que et social», répond-il. La réconciliation nationale exige, selon Dr Karadji, «un guide réparateur, et l’occasion est donnée au peuple algérien de s’exprimer. Il ne s’agit pas d’un choix politique mais d’un choix social».

Fouad IRNATENE

Pr Mhand Berkouk, directeur du CRSS

“L’extrémisme n’est pas forcément religieux”

M. Berkouk, en tant qu’expert, pouvez-vous nous dire quel regard vous portez sur le phénomène de l’extrémisme, sujet à moult analyses, parfois contradictoi- res ?

L’extrémisme qui peut être religieux mais aussi intellectuel, est une déviation des idées, de la pensée mais aussi du comportement. J’estime que pour «déradicaliser» une société, il faut développer une approche multidimensionnelle pour la création d’espaces de liberté. Une approche qui doit être celle du dialogue, de modération et de tolérance. Il est aussi nécessaire de développer un système politique représentatif, responsif et responsable. Avec la combinaison d’un développement humain durable et ouvert à toutes les couches sociales, je crois qu’on pourrait éventuellement, éliminer les conséquences de l’extrémisme. Son bannissement total est plus difficile.

La nocivité de l’extrémisme provient-elle de la pensée extrême elle-même, de ses applications ou de ses vecteurs humains?

Je crois que l’extrémisme est inspiré, d’un côté, d’idées extrémistes de nature. De l’autre côté, ce phénomène tient sa source d’une perversion de choix intellectuel, à travers laquelle surgissent d’autres comportements pervers qui risquent de menacer non seulement la cohésion nationale, l’idée de vivre ensemble mais aussi de mettre en exergue des idées qui sont contre nature de ce bien et vécu communs. L’extrémisme britannique, à titre d’exemple, vise à purifier la société de personnes émigrées. On voit ce phénomène à travers d’autres tendances extrémistes en Europe et dans le monde musulman. Au sein de ce dernier, on donne un seul sens du musulman qui est en lui-même une lecture unique mais pas essentiellement compatible avec l’essence même de la religion. Quand on a ce mélange entre des idées et des lectures perverses de la religion, on se trouve dans un extrémisme plus violent.

Propos recueillis par Fouad I