Les importateurs du médicament sont des moulins à vent qui brassent des millions de dollars
Ce «conflit» ne vise pas à libérer un territoire mais à partager un pactole de 1,6 milliard de dollars.
Djamel Ould Abbès est-il le Don Quichotte des temps modernes? A suivre ses déclarations à la limite des appels au secours, on est tenté de croire que les importateurs du médicament sont des moulins à vent qui brassent des millions de dollars. Entre le ministre de la Santé et les importateurs, c’est la guerre! Elle est d’une telle férocité que les coups et les cadavres ne se comptent pas.
La dernière rafale du ministre a emporté au moins 200 distributeurs de médicaments à qui les agréments ont été retirés. «200 distributeurs de médicaments se verront retirer leur agrément car ils ne travaillent pas», a affirmé M. Ould Abbès dans une déclaration en marge de sa rencontre avec le premier groupe de la mission médicale chargée de la couverture sanitaire des hadji algériens, dont le départ vers les Lieux-Saints de l’Islam eu lieu dimanche dernier. Et ce n’est pas encore l’armistice. Le ministre de la Santé récidive et promet un coup dur.

En marge de sa visite hier, au laboratoire pharmaceutique privé «Merinal» (Oued Smar) à Alger, M. Ould Abbès a de nouveau menacé de retirer l’agrément aux distributeurs qui ne travaillent pas, soulignant que leur nombre dépasse les 200. Il a affirmé à cet effet, que les résultats des enquêtes diligentées par le ministère de la Santé concernant les distributeurs contrevenants seront annoncés prochainement, promettant de prendre des mesures coercitives à l’encontre de ces derniers. Il y a quelques mois, le ministre de la Santé a confié qu’il subit des pressions de la part de certains lobbys du médicament. Des propos qui ont provoqué consternation et crainte au sein des populations, surtout des malades dans le microcosme politique. «Si un ministre de la République avoue qu’il subit des pressions, cela signifie que notre vie est perpétuellement en danger du fait qu’elle se trouve entre les mains de ces lobbys», s’interrogeaient les malades. Cette fois-ci, le ministre identifie sa cible puisqu’il parle d’importateurs.
Tout a commencé le 25 août dernier, quand le ministre de la Santé a déclaré, lors de sa visite des services des urgences médico-chirurgicales infantiles à l’établissement hospitalier universitaire Nafissa- Hamoud (ex-Parnet) à Hussein Dey, que «75.000 boîtes de produits destinés à l’anesthésie et la réanimation se trouvant au niveau de la Pharmacie centrale sont périmées». C’est ainsi qu’il a imputé la pénurie de médicaments enregistrée actuellement au niveau de nombreux hôpitaux et établissements de santé aux mauvaises planification, programmation et distribution. Las d’expliquer qu’il n’ y a pas de crise de médicament, M. Ould Abbès a opté alors, le 29 août, pour une méthode plus radicale afin de convaincre de la véracité de ses propos. Il a mis en place un groupe de travail ad hoc, chargé de faire un diagnostic du réseau d’approvisionnement et de distribution du médicament. Le groupe de travail est chargé de faire un diagnostic «précis» du réseau d’approvisionnement et de distribution du médicament, en vue de «réviser, adapter, créer textes et procédures et faire toutes propositions pour cerner les besoins, maîtriser l’approvisionnement et améliorer la gestion informatisée du médicament», a souligné un communiqué du département de la santé.
Le 13 septembre dernier, le ministre rajoute une couche en donnant aux distributeurs de médicaments un délai jusqu’au mois de décembre pour mettre à jour et assainir la profession. Lors d’une rencontre avec l’association des distributeurs de médicaments, M. Ould Abbès a indiqué que le ministère avait établi une liste des distributeurs au niveau national, dont nombreux sont des «parasites». Le même jour, son secrétaire lui emboîte le pas et arrose l’opinion avec une série de chiffres qui parlent d’eux-mêmes. Il a annoncé que 32% des grossistes de médicaments ne disposaient pas de stocks suffisants.
Se référant à une enquête réalisée par le ministère, M. Bouchnak le secrétaire a souligné que 41% de vendeurs en gros «ne disposent pas d’un plan de rappel de médicaments et 40% ne respectent pas la loi dans la vente des substances venimeuses et stupéfiants». La guerre ne fait que commencer. Elle ne porte pas sur un territoire à libérer mais sur un pactole à partager.
La facture des importations des médicaments en 2010 a atteint 1,66 milliard de dollars en 2010, selon le Centre national de l’informatique et des statistiques des Douanes (Cnis).