Le drame du week-end dernier au stade du 5-Juillet qui a fait deux morts a fait ressurgir chez M. Tahmi un vieux souvenir tout aussi douloureux, celui du stade du 20-Août en 1982 qui a fait plusieurs morts. “Ce jour-là, j’étais au stade en tant que supporter et, croyez-moi, ce cauchemar m’a toujours hanté. Samedi quand j’ai appris la triste nouvelle du 5-Juillet, j’ai tout de suite pensé à ça”, raconte-t-il avec une pointe certaine d’émotion, “d’autant plus que samedi il y avait mes trois fils dans le stade”, poursuit-il. “Ce qui est arrivé aux familles des victimes aurait pu m’arriver à moi donc, et à n’importe qui d’entre nous, alors les Algériens ont le droit de savoir la vérité ; qui est responsable de la tragédie ? Écoutons M. Tahmi
Liberté : Monsieur le ministre, le week-end dernier, un drame s’est produit au stade du 5-Juillet avec deux morts parmi les supporters. En tant que premier responsable du secteur, n’avez-vous pas ressenti l’immense responsabilité d’une telle tragédie ?
Mohamed Tahmi : C’est une grosse responsabilité et un chagrin incommensurable. Je suis tellement triste pour les familles auxquelles je réitère encore une fois mes sincères condoléances. C’est malheureux car pour moi un stade est un lieu de spectacle et de joie et non pas de douleur et de mort. Ce drame était imprévisible pour nous même si le stade du 5-Juillet date maintenant de plus de 40 ans. Mais nous n’allons pas nous lamenter sur ce sort et tourner la page comme si de rien n’était. Je tiens personnellement à ce que toute la lumière soit faite sur cette affaire et c’est pour cela que le lendemain du drame, j’ai installé une commission d’enquête pour déterminer les responsabilités et prendre les mesures qui s’imposent. Je sais que certains vont dire que les commissions d’enquête, c’est fait pour noyer le poisson, mais en ce qui me concerne je m’engage personnellement à déterminer les responsabilités dans ce drame. Il faut aussi savoir tirer les leçons d’un tel drame, pour que pareille tragédie ne se reproduise plus. Pour le moment, il faut laisser la commission d’enquête faire son travail et attendons ses conclusions.
Mais justement, en attendant, certaines voix s’élèvent déjà pour dire que le drame du 5-Juillet aurait pu être évité si les différentes alertes contre le danger avaient été prises en compte par les responsables concernés…
La commission d’enquête est en train de recueillir toute les informations nécessaires à ce sujet. Un rapport datant de la fin des années 1990, concernant ce sujet existe bel et bien. Un second établi en 2003 juste après le tremblement de terre existe aussi. Nous n’avons aucune intention de cacher quoi que ce soit à l’opinion publique, mais il faut encore une fois laisser la commission d’enquête faire son travail et déterminer avec exactitude s’il y a eu négligence ou pas. Il faut savoir aussi qu’entre 2003 et 2008, le stade du 5-Juillet a connu des travaux de rénovation au niveau des tribunes, donc la commission d’enquête doit savoir si ces travaux ont été correctement faits ou non. Vous savez en 1982, lors du drame du stade du 20-Août j’étais au stade en tant que supporter, je sais très bien ce qu’endurent les fans dans nos stades et croyez-moi aussi j’ai envie que ces tragédies cessent. Moi aussi j’ai des enfants, samedi lors du match USMA-MCA, trois de mes fils étaient au stade pour voir le match en tant que supporters…
Vous n’occultez donc pas le fait que ce drame aurait pu être évité ?
Tout à fait, je n’écarte aucune piste, mais il ne m’appartient pas de décider, c’est à la commission d’enquête d’établir ses rapports et de situer les responsabilités. À ce moment-là, je vous assure que les pouvoirs publics assumeront leurs responsabilités. J’ai dit aux membres de la commission qu’il faudra adopter la transparence la plus totale dans leur travail, c’est là un engagement personnel du ministre de la Jeunesse et des Sports. Mais je souhaiterais ajouter quelque chose.
Allez-y…
Contrairement à ce que souhaitaient certains, je ne voulais pas dans cette affaire, sauter un fusible qui est le directeur de l’OCO, c’est bien facile de le faire, mais pour moi, la situation est beaucoup plus compliquée que ça, beaucoup plus profonde. C’est beaucoup plus sérieux que cela et il appartient désormais à la commission d’enquête de livrer ses conclusions en toute souveraineté loin de toute pression.
Vous avez préconisé une expertise rapide de toutes les infrastructures existantes, est-ce que ce travail va débuter immédiatement ?
Oui, nous avons demandé à tous les DJS d’ordonner les expertises dans toutes les enceintes sportives et Opow dans toutes les wilayas. Il faut veiller à la sécurité des supporters et à leur confort dans les stades. À titre d’exemple, nous avons déjà dégagé une enveloppe conséquente pour une expertise pour toute la cité olympique du 5-Juillet, car ce qui s’est produit dans les tribunes du stade de football peut bien se produire aussi à la coupole ou à la piscine.
Ces derniers jours, de simples citoyens et des supporters crient leur ras-le-bol, sur les réseaux sociaux et appellent même au boycott de ces infrastructures de la mort, est-ce que vous comprenez ce genre de réaction ?
Ce sont des réactions qui dégagent une tristesse certaine. Il est tout à fait normal donc que je comprenne ce genre de réaction. Les supporters ont le droit d’exiger des garanties de sécurité et de confort. Mais, c’est là un travail de longue haleine, qui demandera du temps et de la patience, d’autant plus que nous avons beaucoup d’anciens stades qui sont dépourvus des commodités nécessaires.
Les choses vont s’améliorer progressivement, surtout avec la réception des nouveaux stades, mais nous ne pouvons pas fermer d’un coup tout les stades, au risque de bloquer la compétition. L’État est conscient de l’effort à faire dans ce sens, mais les supporters doivent être patients et prendre toute les mesures de précaution quand ils se déplacent dans les stades.
Est-ce que les pouvoirs publics ont réfléchi à une aide aux familles des victimes ?
Tout à fait. Outre les démarches nécessaires en matière d’assurances des supporters, les pouvoirs publics seront toujours à côté des familles des victimes.
L’équipe nationale est appelée à disputer dans les prochains jours un match capital au Burkina Faso qualificatif à la Coupe du monde. Les pouvoirs publics ont-ils déjà réfléchi à une démarche concernant le transport des supporters vers Ouagadougou ?
Les supporters algériens désirant se déplacer à Ouagadougou pour soutenir l’équipe nationale le feront dans un cadre organisé avec l’assistance de professionnels du tourisme.
Il n’est pas question qu’ils voyagent seuls dans ce cadre-là. Pas plus tard qu’hier (mardi, ndlr), nous avons organisé une réunion conjointe avec la FAF pour justement préparer le déplacement des supporters des Verts.
Nous savons déjà que nous avons droit à 1 000 places dans le stade. Nous privilégions l’option de vols spéciaux, le jour du match, avec retour dans la soirée de la rencontre.
Mais avec un billet d’avion qui avoisine les 60 000 DA, cela reste cher pour les simples supporters ?
Je peux vous certifier qu’un effort sera fait en ce qui concerne le prix du billet d’avion, ils seront revus à la baisse. De toute façon, nous allons bientôt communiquer à ce propos et expliquer toutes les démarches aux supporters.
Le Mondial, vous y croyez ?
Fermement, et je demande à tous les Algériens d’y croire et de soutenir les Verts contre le Burkina Faso.
S. L