À l’heure où les rangs des recalés du système éducatif ne font que grossir, le secteur de la formation professionnelle peine, selon son premier responsable, à trouver des stagiaires. La faute est, d’après lui, partagée.
Malgré les nombreuses déperditions de l’enseignement général, le secteur de la formation professionnelle n’arrive toujours pas à attirer les jeunes. D’après l’invité du Forum de Liberté, les raisons du manque d’engouement des jeunes, qui, notons-le, ne se précipitent pas du côté de la formation professionnelle, sont nombreuses.
Le secteur pâtit d’abord, selon lui, de son image, car il est souvent perçu en Algérie comme “le réceptacle des recalés” du système scolaire classique. Dans l’imaginaire algérien, la formation professionnelle se résumerait, ainsi, à la maçonnerie ou à la fabrication de gâteaux, “des métiers qu’il ne faut, à aucun prix, sous-estimer”, ajoute M. Mebarki. D’après lui, la société algérienne dévalorise les travaux manuels. Et quand bien même cette tendance serait universelle, elle est, d’après lui, plus “accentuée” chez nous. Enfin, au-delà de l’explication sociétale, le problème réside, selon le secrétaire d’État, à “l’intérieur même du système”. Une des explications au fait que les jeunes ne se bousculent pas pour suivre une formation serait, d’après lui, “une mauvaise orientation”.
D’après M. Mebarki, “l’orientation” qui s’opère aujourd’hui à l’issue de l’enseignement obligatoire jusqu’à l’âge de 16 ans est mal conçue. “Elle dessert l’élève et le pays.” À ce sujet, il a abordé en termes nuancés l’échec du système éducatif national. “La réforme prévoyait que 30% des élèves aillent en orientation vers l’enseignement professionnel. Nous n’en sommes aujourd’hui qu’à 4 ou 5%.” À en croire le secrétaire d’État, on est loin de répondre aux objectifs du système d’orientation pédagogique et scolaire. Et si l’explication des déperditions scolaires remonte, très certainement, aux faiblesses du système éducatif algérien, le secrétaire d’État n’en reste pas moins optimiste à l’idée de savoir qu’une réflexion est menée actuellement au ministère de l’Éducation sur cette question cruciale.
Quoi qu’il en soit, pour lui, “prendre en charge les recalés n’est pas la vocation de la formation professionnelle”. Le secrétaire d’État avoue néanmoins, sans ambages, la responsabilité qui incombe à son secteur qui, selon lui, doit être “réhabilité” pour jouer pleinement son rôle. Il se dit même surpris que dans un pays comme le nôtre, en plein développement, avec une telle jeunesse et une telle demande en ressources humaines, la formation professionnelle ne joue pas le rôle “vital” qui doit être le sien. Ainsi, après les aveux même du Premier ministre, Abdelmalek Sellal, voici un membre du gouvernement qui reconnaît volontiers, à son tour, les faiblesses dans “la communication institutionnelle” à l’adresse des jeunes et même des parents. Dans son introduction, le secrétaire d’État à la Formation et à l’Enseignement professionnels a égrené quelques chiffres de son secteur non sans avoir pris la précaution de livrer d’abord la philosophie générale qui caractérise son activité. “Notre action repose sur deux vecteurs essentiels : l’amélioration du service public et l’adéquation entre la formation et les besoins de l’entreprise économique ainsi que les impératifs de facilitation de l’emploi des jeunes. Ce sont là non seulement les orientations du gouvernement mais également celles du plan d’action adopté par le Parlement.” Sur le plan des infrastructures, il révèle l’existence de quelque 1 200 instituts, centres et annexes. L’ingénierie de la formation dispose, quant à elle, de 6 instituts de formation pédagogique. La capacité d’accueil est estimée à 300 000 places en mode résidentiel, c’est-à-dire hors apprentissage, formation continue ou à distance. Son secteur dispense entre 40 à 60 000 formations qualifiantes. Le nombre d’employés est estimé à 62 000 travailleurs dont 1/3 représente le corps formateur.
91 000 diplômés sont sortis en 2012. Malgré les efforts immenses consentis par l’État en moyens humains, matériels et en équipements pour répondre à la demande “économique”, le secteur de la formation professionnelle continue à essuyer le reproche, du reste, récurrent de ne pas produire suffisamment de main-d’œuvre qualifiée. “Même la Banque mondiale a abondé dans ce sens”, révèle l’invité de Liberté, soulignant de manière claire que “parmi les contraintes qui bloquent l’émergence de l’économie algérienne figure l’absence de main-d’œuvre qualifiée”.
Aussi, l’adéquation ou plutôt l’inadéquation entre la formation et la demande économique fera pour sa part l’objet de longs développements. Pour lui, l’entreprise, contrairement à la société, fait les bons choix. “L’entreprise économique, qui a des besoins précis, sait investir et compter ses sous.” Donner une chance au stagiaire de se faire recruter Dans sa tentative de trouver une réponse à cette inadaptation du secteur, M. Mebarki avance la nécessité de définir une politique de partenariat avec certains secteurs “stratégiques” comme l’industrie, l’habitat, le tourisme, l’agriculture, des secteurs gros pourvoyeurs d’emplois et à fort potentiel de croissance. Il s’agit, selon lui, de combiner les moyens afin de définir les besoins, les spécialités et les lieux d’implantation. “Je pense en particulier à certains bassins industriels comme pour la mécanique à Constantine, l’électricité ou l’électronique à Sidi Bel-Abbès, ou encore les télécommunications pour la région de Sétif. Dans le Sud, on peut développer des filières liées aux industries gazières et pétrolières. Enfin, on peut multiplier les exemples en adoptant cette démarche au niveau wilayal.” Il prendra à ce sujet l’exemple de Mostaganem où l’entreprise Cosider a pris sous son aile 30 à 40 stagiaires en vertu d’une convention signée avec la Direction de la formation professionnelle de la wilaya. “Tous les stagiaires seront recrutés à l’issue de la formation.” D’après lui, il faudrait agir également sur la reconnaissance des diplômes, les mesures sociales, la nature des bourses octroyées, etc. “De même qu’il faut expliquer aux jeunes citoyens, que certains techniciens supérieurs se font recruter avant même l’obtention du diplôme.” M. Mebarki annonce même une graduation vers l’enseignement supérieur. Il se félicite, ainsi, que la nomenclature des spécialités, revue et appliquée depuis janvier dernier, couvre un plus large spectre de métiers. D’après le secrétaire d’État, il s’agissait, à travers cette révision (qui a débuté en 2007), de rattraper le retard et de mettre à jour cette nomenclature en fonction du développement technologique et scientifique. Le nombre de spécialités a été porté, ainsi, de 300 à 422, incluant de nouveaux “métiers” comme la téléphonie mobile, l’énergie solaire ou encore l’économie verte. D’après lui, une option a été prise pour définir “une méthodologie axée sur la demande” et non pas sur l’offre de formation. “Nous voulons former et donner plus de chances aux jeunes de se faire recruter. C’est pourquoi un intérêt accru sera accordé à l’apprentissage.” D’après lui, les chiffres du chômage indiquent que les diplômés de la formation professionnelle ne sont pas les plus mal lotis. Interrogé, par ailleurs, sur la présence massive d’ouvriers chinois dans le secteur du BTPH, le secrétaire d’État s’est contenté d’annoncer que le secteur de la formation professionnelle couvre aujourd’hui tous les profils demandés. “Nous encadrons et nous formons dans toutes les spécialités, des maçons, des ferrailleurs, des plâtriers, des peintres, des plombiers, des électriciens, etc..” En évoquant les efforts de modernisation, de renouvellement, de développement de l’outil informatique tant au niveau de la gestion que de la formation, M. Mebarki n’en a pas moins insisté sur l’actualisation des méthodes, des contenus et des programmes. “Pour nous, le formateur est au centre de l’équation. C’est pour cela que nous voulons procéder à des recrutements mieux ciblés et améliorer par le perfectionnement le niveau de nos formateurs. Et pas seulement les formateurs. La formation des gestionnaires est tout aussi importante.” Sur ce point précis, l’encadrement des établissements s’est caractérisé, selon l’orateur, ces derniers mois par la fin de “la gestion des intérimaires”. Il a été procédé, ainsi, à la nomination de 350 nouveaux directeurs d’établissement représentant quasiment le tiers des responsables. Il a annoncé, enfin, la tenue fin juin d’une exposition reflétant les réalisations et la mémoire du secteur de la formation professionnelle depuis l’Indépendance à ce jour. Une célébration qui entre dans le cadre des commémorations du Cinquantenaire de l’Indépendance. “Il s’agit, à cette occasion, de marquer un temps d’arrêt, de procéder à une évaluation des politiques suivies jusque-là et dessiner enfin des projections pour l’avenir.”
M C L