Le ministre algérien de l’énergie refuse de toucher au dogme du 51/49

Le ministre algérien de l’énergie refuse de toucher au dogme du 51/49

Opération de charme du ministre algérien de l’énergie, Youcef Yousfi. Après une longue période de mutisme, consécutive au « scandale Sonatrach », durant laquelle les responsables du secteur ont fait le dos rond, M. Yousfi redevient volubile, et explique ses projets dans une série d’entretiens.

Il veut rassurer, annoncer des nouveautés, sans toucher aux dogmes : les nouveautés ne concernent ni la règle du 51/49, ni les anciens gisements.

Le ministre algérien de l’Energie, M. Youcef Yousfi, considère que le scandale Sonatrach relève du passé. Il s’autorise donc à parler, du moment que les dirigeants du secteur ont rétabli leur crédibilité. L’affaire Sonatrach, qui a provoqué le limogeage et la mise en détention de l’ancien PDG, Mohamed Meziane, a constitué « un énorme traumatisme, un choc énorme», reconnait le ministre de l’Energie, qui a été précisément nommé pour remettre de l’ordre dans le secteur.

Pour lui, tout ceci s’est « estompé », et il est désormais possible de revenir aux grands dossiers du secteur de l’énergie. Lesquels ? Une nouvelle loi sur les hydrocarbures, dont l’objectif est de « relancer l’investissement étranger dans l’exploration, en introduisant de nouvelles incitations. Cette révision vise, entre autres, à booster l’exploration dans l’offshore et les hydrocarbures non conventionnels », selon M. Yousfi.

Les changements risquent cependant de ne pas aller très loin. « La règle du 51/49 régissant l’investissement étranger en Algérie dans le secteur des hydrocarbures, qui est une règle fondamentale, ne sera pas concernée par cette révision », a indiqué M. Yousfi, pour qui « la souveraineté de l’Algérie sur ses réserves naturelles n’est en aucun cas remise en cause ». Il a aussi précisé que « les gisements actuellement en production ne sont pas concernés par ces amendements ».

La loi dite Chakib Khelil avait ouvert la voie aux compagnies étrangères pour devenir majoritaires dans des projets d’exploration et d’exploitation en Algérie. Fortement décrié, le texte avait été amendé en 2005, avant même qu’il ne connaisse un début d’application. Selon la loi aujourd’hui en vigueur, une entreprise algérienne doit détenir la majorité des actions dans tout projet d’investissement.

M. Yousfi s’est également montré rassurant quant aux capacités de l’Algérie de rester exportatrice d’hydrocarbures sur le long terme. Pour lui, les déclarations alarmistes selon lesquelles les réserves de l’Algérie vont s’épuiser, et le pays devenir importateur net de pétrole dans dix ans, sont erronées.

« Cette affirmation n’est pas fondée. L’Algérie sera exportatrice nette d’hydrocarbures bien au-delà de cet horizon et ce, en tenant compte des seules réserves actuelles. Les futures découvertes de nouvelles réserves éloigneront encore plus cette perspective », a-t-il dit.

La polémique sur les réserves de l’Algérie en hydrocarbures alimente de manière cyclique les milieux politiques algériens. M. Yousfi s’est résolument placé dans le camp des optimistes, en affirmant que les « anciens gisements de pétrole brut et de gaz naturel ont montré qu’ils contiennent encore un potentiel important. Aujourd’hui, grâce à la technologie, le niveau des réserves récupérables s’améliore régulièrement, permettant ainsi une durée d’exploitation plus longue ». Pour étayer ses propos, il a rappelé que l’Algérie a enregistré 29 découvertes d’hydrocarbures en 2010, et 20 autres en 2011. Sonatrach a consacré 120 milliards de dinars (1.2 milliards d’euros) en 2010 et 130 milliards de dinars en 2011 à la prospection.

Comme l’Iran, l’Algérie, pas exportateur, n’arrive pas à se satisfaire en produits raffinés. M. Yousfi l’a reconnu. « Un programme d’importation de carburants a été mis en place par Sonatrach », a-t-il, ajoutant que « pour satisfaire la demande à long terme du pays, nous démarrons un programme de doublement de nos capacités avec la construction de nouvelles raffineries ».

Prudence sur le gaz de schiste

Les difficultés actuelles sont le résultat d’un « problème au niveau de la production d’Arzew. La raffinerie qui a redémarré après des travaux de réhabilitation n’a pas encore atteint son régime de croisière. Elle ne fonctionne pas encore à 100% », a-t-il précisé, affirmant, contre toute évidence, qu’il « n’y a pas un manque de carburant dans l’ouest du pays ». Il a aussi déploré l’existence d’un trafic aux frontières, notant que les quantités écoulées au Maroc, en Tunisie et dans les pays du Sahel sont « importantes », sans les chiffrer avec précision.

M. Yousfi s’est montré prudent à propos des gaz non conventionnels. Il y a un « un potentiel important de plusieurs milliers de milliards de m³, que nous devons évaluer avec précision », a-t-il dit. Ses précédentes sorties sur la possibilité d’exploiter le gaz de schiste, pour lequel des projets pilotes ont été lancées, ont été vivement critiqués en Algérie. Pourquoi exploiter une ressource chère, polluante, difficile à maitriser, alors que le pays dispose d’un demi-siècle d’exportations à un niveau soutenu ?

Le ministre de l’Energie a d’ailleurs rectifié le tir, en affirmant que les gaz conventionnels restent une priorité, malgré la pression sur les prix. « Deux mégaprojets sont en cours de construction, le premier à Skikda d’une capacité de 4,5 millions de tonnes par an, qui devrait entrer en production en juillet prochain ; le deuxième à Arzew, d’une capacité de production de 4,7 millions de tonnes par an, et qui devrait entrer en production début 2013 », a-t-il précisé.

Critiquant de manière à peine voilée son prédécesseur, Chakib Khelil, M. Yousfi a par ailleurs déploré que l’Algérie ait fait de mauvais choix dans le domaine minier. Des contrats ont été signés avec des partenaires étrangers, ce qui a donné lieu à de « mauvaises expériences dans plusieurs domaines ».

Sans citer des entreprises précises, il a déclaré que l’Algérie « n’a pas choisi les bons partenaires », et qu’il envisage de résilier les contrats avec ces « petites sociétés qui sont venues pour essayer de faire de bonnes affaires », mais qui « n’ont pas les moyens techniques nécessaires pour développer ces mines d’une façon rationnelle, de manière à assurer la sécurité des populations et à protéger l’environnement ».