L’initiative était attendue depuis longtemps et voilà qu’elle intervient en plein mois sacré de Ramadhan.
Il s’agit du contrôle désormais assuré par l’Etat à travers le ministère des Affaires religieuses et des Wakfs du contenu des fatwas émanant de divers horizons, y compris des groupuscules extrêmistes qui, pour consacrer leurs desseins subversifs, usent de ce type de communication.
Grâce au développement de la technologie consenti notamment dans le domaine de la télévision numérique et de l’internet, des fatwas fusent de partout et leur contenu traite quasiment de tous les aspects liés au quotidien d’un musulman, notamment sa vie intime, ses tenues vestimentaires, ses habitudes alimentaires, etc.
Les algériens, à l’instar des musulmans des autres pays, sont de toute évidence ciblés par cette multitude de fatwas. Il arrive que beaucoup parmi celles-ci se contredisent dans leur contenu, laissant ainsi les citoyens perplexes et ne sachant à quel saint se vouer.
C’est ainsi que pour pallier tout genre d’amalgame, le ministère des Affaires religieuses et des wakfs vient de procéder à la création d’un nouveau portail web joignable sur le site www.marwakf-dz.org, rubrique banque des fatwas, où les algériens pourront désormais recevoir une réponse claire à tous leurs questionnements d’ordre religieux.
Il important de savoir que les imams devant répondre aux interrogations des algériens sur divers sujets ayant trait à la pratique religieuse ont fait l’objet d’une sélection effectuée par le ministère des Affaires religieux sur la base de critères rigoureux.
C’est du moins ce qui ressort des propos de Yahia Daouri, directeur de l’orientation au niveau du même département ministériel, qui a fait savoir que la création d’une banque de fatwas «tient compte du fait que beaucoup de personnes s’intéressent aux sites internet».
«Cette initiative est destinée à empêcher les fausses interprétations de la charia et des principes fondamentaux de l’Islam en général», ajoutera le même responsable.
Par ces propos, le directeur de l’orientation au niveau du ministère des Affaires religieuses faisait assurément allusion à ces fatwas qui ont suscité de la confusion au sein de la population, à l’image de celle déclenchée à l’occasion de l’importation de la viande indienne, ou encore ces fatwas ne s’accordant en aucun cas avec les préceptes reçus par les Algériens.
Des fatwas immorales et dangereuses
L’on se rappelle tous la très controversée fatwa de l’ouléma égyptien Izzat Al Attiyah, ancien responsable du département d’études du Hadith à l’université islamique d’Al Azhar, relative à «l’allaitement des grands».
A peine lancée en Egypte que cette fatwa ne tarda pas malheureusement à faire des adeptes en Algérie, en particulier dans les milieux salafistes. Selon des sources concordantes, beaucoup de salafistes ont menacé de répudier leurs épouses si elles refusaient d’allaiter leurs amis
ayant l’habitude de se rendre au domicile. Tout récemment encore, une autre fatwa ne manquant pas d’immoralité a été lancée par les fondamentalistes qui sous couvert d’anonymat ont appelé à l’autorisation des pots-de-vin pour l’obtention de promotions légales.
Ce genre de fatwa incitant à la déliquescence dans les milieux professionnels ne peut se répercuter que d’une manière négative sur la notion de probité et de mérite. Mais ces fatwas sont assurément moins graves que celles aux conséquences fatidiques lancées par des groupuscules extrémistes.
Du coup, en procédant à la création de la banque des fatwas, le ministère algérien des Affaires religieuses est décidé à assurer un contrôle total des fatwas et colmater ainsi une brèche restée ouverte pour longtemps au grand dam des valeurs de la société algérienne et de la morale collective.
La création de cette banque de fatwas constitue, selon Me Farouk Ksentini, «un appui permettant le renforcement des droits de l’homme et des libertés individuelles, notamment celle liée à la pratique du culte». «C’est une très bonne chose», nous dira en effet le président de la Commission consultative des droits de l’homme (Cncppdh).
K. A.