Le meuble local, durement touché ces dernières années par l’invasion des produits importés, retrouve peu à peu sa place dans un marché caractérisé par l’absence d’une industrie locale de la matière première et par le manque d’accompagnement de la part des pouvoirs publics, s’accordent à dire les professionnels de cette filière.
Les produits importés s’étaient imposés, à la fin des années 1990, par le design, la créativité, le prix attractif, ainsi que par la disponibilité, des qualités qui manquaient aux produits locaux, et que les professionnels de cette filière s’emploient aujourd’hui à y remédier. Que ce soit aux marchés et ateliers de Koléa (Tipasa), de Saoula ou des Sources (Alger), le constat fait par les professionnels de l’ébénisterie est le même : le produit algérien est « robuste » et de meilleure qualité, ce qui lui permet de résister devant l’invasion des produits importés.
« Avec l’entrée de ces produits sur le marché, les clients ont été impressionnés par ces meubles, bien finis et jugés plus pratiques, mais avec le temps et l’expérience les gens ont constaté que le produit local était beaucoup plus solide », a observé un ébéniste rencontré par l’APS au quartier de Karkouba (Koléa), devenu une place forte de la fabrication et de la vente de meubles.
Chambres, tables et chaises, argenteries, salons et autres produits d’ameublement importés, surtout d’Asie, sont souvent présentés par les professionnels comme étant fragiles, sensibles à l’humidité, voire « irréparables », car fabriqués à base d’un matériau sensible, le MDF (panneau de fibre à densité moyenne) et de mélaminé, c’est-à-dire fabriqué principalement à partir de la sciure mélangée à de la colle à bois, la finition étant assurée avec des feuilles de placage.
« Contrairement au produit importé, le meuble local est fabriqué principalement à partir de bois massif tel que le hêtre, le chêne ou l’acajou et est plus solide et donc beaucoup plus résistant », affirment-ils.
Ces professionnels reconnaissent, cependant, que l’ébénisterie en Algérie enregistre un retard dans la conception et le design, faute de formation, de machines et de main-d’œuvre qualifiée. « Chaque pièce est fabriquée manuellement et le matériel utilisé est vieillissant et ne permet pas d’obtenir le même résultat que celui des machines modernes, plus sophistiquées », affirme le propriétaire d’un atelier de fabrication de meuble traditionnel à Koléa.
Afin d’améliorer la qualité de la main-d’œuvre, les professionnels appellent à la prolongation de la durée de la formation, fixée à une année seulement. En outre, l’absence d’une industrie de la matière première en Algérie, à savoir le bois et la teinture, constitue un autre problème qui entrave le développement de cette activité basée entièrement sur une matière première importée, surtout de Suède, de Finlande, d’Autriche et de Slovénie.
C’est pourquoi les professionnels demandent un accompagnement et un soutien des pouvoirs publics pour installer une industrie du bois en Algérie à travers l’affectation spéciale de terres destinées au reboisement et la création d’usines de traitement de ce même bois.
Ils demandent ainsi de leur consacrer une zone industrielle qui regrouperait tous les ébénistes justifiant d’un registre du commerce, et qui soit implantée loin des zones urbaines pour éviter aux habitants les désagréments, inévitables d’une telle industrie, avec beaucoup de nuisances sonores et utilisant des matériaux toxiques, comme les diluants, le vernis et autres colle à bois.
L’ébénisterie en Algérie est très ancienne, et, à Alger comme à Constantine ou Oran et Annaba, mais également dans toutes les villes du pays, elle est un secteur à fort potentiel économique avec la création d’emplois autant dans cette industrie que dans le commerce et le transport des meubles.
A Alger seulement, il existe plus d’une centaine d’ateliers de petite et moyenne ampleur, localisés notamment à Bouzaréah, Bab El-Oued, Kouba, Hussein Dey, Saoula, Birkhadem, Belouizdad, ainsi que la banlieue algéroise (Douéra, Khraïcia, Bordj El-Kiffan, ect).
Les prix des meubles locaux sont parfois jugés excessifs, mais certains milieux dans la filière attribuent cet état de fait à la cherté du bois importé, mais de bonne qualité. A titre d’exemple, une table de salon et ses six chaises de fabrication locale vaut entre 60.000 et 70.000 DA, alors qu’un produit similaire mais d’importation coûte en moyenne entre 48.000 et 56.000 DA.
Produit très demandé, une chambre à coucher locale coûtera à son acquéreur entre 130.000 et 200.000 DA contre une moyenne de 150.000 DA pour une unité importée de qualité identique. En attendant les améliorations souhaitées par les fabricants et les revendeurs, les importations de meubles ont augmenté en valeur et en quantité pour atteindre 110,6 millions de dollars (106.300 tonnes) en 2011, contre près de 96,1 millions en 2010 pour 98.000 tonnes, selon les Douanes algériennes.
Les importations proviennent principalement de Chine avec un coût de 64 millions de dollars, puis de Malaisie (10,5 millions usd), d’Italie (5,2 millions usd), de Turquie (3,1 millions usd), d’Egypte (617.402 usd) et enfin d’Espagne avec 585.731 usd.