Le média, intermédiaire coupable

Le média, intermédiaire coupable

“Le message, c’est le support”, écrivait McLuhan. Le gouvernement a pris au mot cette loi de la communication. Pour punir Madani Mezrag qui a eu des mots durs contre le Président, il a énergiquement réagi contre la télévision qui a recueilli et diffusé ses propos. Celui que la Présidence a promu au rang de “personnalité nationale” et consulté sur l’avenir institutionnel du pays est donc dispensé de répondre de ses actes, même quand ils constituent une “atteinte aux symboles de l’État”.

La sévérité et la promptitude des mesures que le gouvernement a prises contre la chaîne El- Watan contrastent avec la passivité qu’il a opposée à l’affront commis par l’“émir”. Cette “omission”, outre qu’elle tord le cou au principe de solidarité de l’auteur et de l’éditeur-diffuseur qui fonde le délit de presse, laisse tacitement, mais clairement, apparaître ce fait que l’État n’est pas encore en mesure d’affronter les outrances des agitateurs islamistes. En particulier, lorsque ceux-ci appartiennent à la caste intouchable des “repentis”. La “réconciliation nationale” se révèle pour ce qu’elle est : un mouvement de fuite, de conciliation à sens unique, où la République cède inlassablement du terrain devant l’avancée menaçante et irrépressible de l’islamisme violent. Dans cet arrangement entre l’idéologie et l’intérêt qu’est la “réconciliation nationale”, il y a une partie qui est conciliante et une autre qui est inconciliable.

L’on est surpris de voir que le pouvoir n’ait pas pu se retenir d’avouer, par sa réaction même, qu’il ne peut pas déployer, à l’encontre de l’agressivité islamiste, la même fermeté qu’il emploie dans le contrôle des médias. D’ailleurs, des sermonneurs inquisiteurs sévissent dans d’autres médias, déversant, sans la moindre censure, leur bile sur la partie de la société qui n’est pas encore soumise à leurs normes rétrogrades. Mais, c’est plus le citoyen que le pouvoir qui est pris à partie.

La riposte officielle délivre un autre message : la résolution du pouvoir à réprimer prioritairement la presse alors même qu’il ménage le discours islamiste belliqueux. Les autorités préfèrent, en quelque sorte, casser le thermomètre que de lire la vraie température politique du pays. Sans la chaîne El-Watan, Madani Mezrag n’aurait rien dit ! Finalement, “l’incident” aura surtout permis à ces autorités de rappeler à la presse, en général, et aux télévisions privées, en particulier, la précarité de leur existence. Au demeurant, et pour s’assurer l’insécurité de la presse télévisuelle, le pouvoir est allé jusqu’à concevoir une législation qui organise le fonctionnement informel de l’audiovisuel !

C’est dire qu’il trouve plus de danger dans les propriétés démocratiques de la liberté de presse que dans la menace subversive de l’islamisme.

M. H