Condamné par les musulmans sunnites, mais autorisé par certains chiites, le mariage temporaire permet de s’unir le temps d’une durée convenue.
Distribué dans la mosquée, un tract montre des avions américains lâchant des pluies d’antennes paraboliques sur l’Iran. Le guide suprême Ali Khamenei met en garde contre ces antennes sataniques qui provoquent l’adultère, l’hypocrisie, des conflits entre l’homme et la femme, le départ des jeunes filles du foyer familial. Il suffit pourtant de lever les yeux pour découvrir sur les toits de presque tous les immeubles de Téhéran ces paraboles « symboles de la guerre sournoise que livre l’Occident à l’Iran ».
« Mais, en fait, ce sont les dignitaires du régime eux-mêmes qui les importent ! Presque personne ne regarde les tristes chaînes locales, qui ne passent que des monologues interminables de chefs religieux », assure un groupe de jeunes gens profitant de la fraîcheur du soir, à quelques pas de la mosquée. Philippe Welti, ancien ambassadeur deSuisse en Iran, assure que, derrière les murs, « tout est possible au pays de la double apparence ».
L’assentiment d’un mollah
Les clichés concernant l’Iran s’attardent sur ces petites filles contraintes de se voiler dès l’âge de neuf ans, sur ces couples cruellement punis pour avoir commis le péché de fornication. Kamran raconte, sans la moindre gêne, que pour échapper à la police des moeurs, qui le traquait autrefois quand il approchait de trop près des jeunes filles, il a eu recours au mariage temporaire.
Le mariage temporaire, appelé sigheh en Iran, consiste à contracter un mariage musulman pour une durée déterminée convenue entre l’homme et la femme. Une union allant d’une heure minimum, à un jour, une semaine, et jusqu’à 99 ans au maximum, et pouvant être immédiatement consommée. « Normalement, l’accord est oral, le mariage temporaire n’a pas besoin d’être officialisé. Mais, dans la réalité, mieux vaut obtenir l’assentiment d’un mollah…, qui va vous demander de l’argent », explique Kamran.
Un mariage autorisé par le prophète Mohamed « ṣalloullāhou `alayhi wa sallam »
Le mariage temporaire a été autorisé – ou du moins toléré – par Le prophète Mohamed « ṣalloullāhou `alayhi wa sallam », jusqu’au VIIe siècle. D’une part, ses premiers compagnons se trouvaient dans une période transitoire, passant de l’idolâtrie à l’islam. D’autre part, lors de leurs expéditions militaires dans la péninsule Arabique, ils passaient de longs mois sans leurs épouses. Mais, progressivement, comme pour le vin – qui, à l’origine, n’était pas interdit -, le Prophète aurait mis un veto au mariage temporaire, encore appelé mariage « de jouissance » ou « de plaisir ».
Depuis, l’islam sunnite condamne violemment cette union libre, même si de rares sunnites la pratiquent. En revanche, la plupart des musulmans chiites l’autorisent, car ils affirment, eux, que ce n’est pas Mohamed qui a interdit le mariage temporaire, mais Omar ibn Khattab, le calife qui a succédé à Abou Bakr en 634. Pour mémoire, Omar est mort assassiné par un Perse en 644…
Une couverture religieuse à la prostitution
Ce mariage à durée déterminée ne rétablit pas l’égalité entre homme et femme. Si l’homme peut cumuler autant de mariages temporaires qu’il le désire, ce cumul est interdit pour la femme. Et celle-ci n’hérite pas de son mari temporaire en cas de décès. En revanche, en cas de naissance, l’enfant bénéficie des mêmes droits qu’un enfant né dans un mariage permanent (le père légitime conserve la possibilité de ne pas reconnaître l’enfant si le mariage temporaire n’a pas été officialisé auprès d’un mollah, NDLR).
Enfin, même si le Code civil iranien prévoit ce type de mariage, il ne faut pas considérer cette pratique comme courante dans une société restée, en dehors des grandes agglomérations, très traditionaliste. En fait, la loi du sigheh passe surtout comme un moyen d’offrir une couverture religieuse à la prostitution, qui, elle, est proscrite. Si un mariage temporaire de plusieurs mois, précédant une union définitive, peut se justifier, en revanche, comment défendre un contrat… d’une heure ? Un grand ayatollah iranien a pourtant prononcé une fatwa considérant que le mariage temporaire était une « précaution obligatoire » avant d’avoir des relations sexuelles avec une prostituée. Seule obligation : cette dernière doit exprimer son repentir…