Le marché informel n’existe plus depuis hier Bachdjarah libérée

Le marché informel n’existe plus depuis hier Bachdjarah libérée

Il régnait une étrange ambiance hier à Bachdjarah, qui vient d’être liberée du joug du marché informel.

C’est un quartier qui semble se réveiller d’une tempête. Les ordures jonchent toujours les rues et les trottoirs, même si les éboueurs tentent d’enlever ce qu’ils peuvent.

Des camions de l’APC sont passés tôt le matin pour arroser les rues et les trottoirs, pour donner un semblant de propreté, mais rien à faire, les odeurs nauséabondes vont continuer à faire le quotidien des habitants et des clients des jours et des semaines encore.

Hier, à la mi-journée, un impressionnant dispositif sécuritaire était déployé dans tous les endroits squattés par les vendeurs ambulants. Ces derniers, en petits groupes, sont debout, à travers toutes les ruelles et les trottoirs de la cité. Même si aucune tension n’était visible et que chacun se tenait tranquillement dans son coin, les commentaires allaient bon train.

“Qu’on nous donne au moins du travail. On nous interdit de vendre, mais qu’allons-nous faire ? Voler ? Mendier ?” se lamente un père de famille, qui vit du marché informel.

“C’est le seul travail que j’ai trouvé”. Un jeune, remonté et persuadé qu’il réoccupera le trottoir, ne mâche pas ses mots. “On nous dit : vous êtes des trabendistes.

Pourquoi, ceux qui sont dans le centre commercial sont-ils en règle ? Ils n’ont ni registre du commerce ni facture, ne payent pas d’impôts. Ils revendent les produits ramenés de Chine et de Turquie dans des cabas”. Les murs faisant face au centre commercial Hamza, objet de toutes les critiques, ont été badigeonnés tôt ce matin, pour cacher les graffitis hostiles à l’APC, à l’État.

Un ralentisseur a été installé à la hâte, devant l’entrée du centre commercial, et la rue a retrouvé un tant soit peu ses repères. Les commerçants légaux respirent enfin et leurs devantures sont de nouveau visibles.

Les milliers de femmes, habituées à passer la journée à flâner entre les étals du marché informel, sont partagées. “Dieu merci, on nous a débarrassé de cette anarchie”, s’écrie une vieille, tandis qu’une autre regrette que ce soient “toujours les pauvres qui payent pour les riches. C’était le marché des pauvres.

Où allons-nous trouver des produits pas chers maintenant ?” Un jeune n’arrivait pas à croire ces yeux. “Mon Dieu ! Ils ont transformé le quartier en désert ! Je n’ai jamais vu ça depuis ma naissance”.

Les seuls à continuer à défier l’imposant dispositif de sécurité sont les vendeurs d’or, qui restent accrochés à leur place, en face de l’agence Sonelgaz. Présentoirs en mains, liasses de billets bien en vue, ils narguent les policiers stationnés juste en face.

Il y a aussi les revendeurs de psychotropes, qui se frottent déjà les mains à l’idée de voir de nouveaux clients déferler, du fait du transfert d’une partie des commerçants vers le CEM désaffecté de la cité des Palmiers. Les autres, ceux qui viennent de loin, chaque matin, en voiture, pour squatter les trottoirs de Bachjarah, se tiennent devant leurs voitures, en face de la poste et espèrent la levée du dispositif sécuritaire avant la tombée de la nuit.

Pour la première journée de son entrée en vigueur, l’interdiction du marché informel s’est passée, sans incident. Reste à savoir, combien de temps cette interdiction va être valable ? Combien de temps ce dispositif sécuritaire sera maintenu ? Mais, au-delà du traitement policier du dossier, force est de reconnaître que c’est l’absence de perspectives, d’alternatives.

Des jeunes, qui ont grandi avec l’informel, qui n’ont jamais su ce que c’est qu’un emploi, un entretien d’embauche, sont complètement désemparés aujourd’hui.