J’ai été surpris par la participation massive au 15ième Salon international de l’automobile d’Alger. Ni les taxes ni la suppression du crédit à la consommation n’ont finalement freiné la croissance exceptionnelle de ce marché en Algérie. Un million de véhicules (946 143) ont été importé ces trois dernières années. En 2011 la hausse des importations a été de 36%.
Ce marché dispose par ailleurs de toutes les institutions et mécanismes nécessaires à un fonctionnement transparent et efficace. Le décret exécutif n° 07/390 du 12 décembre 2007 avait été promulgué pour régir précisément les conditions de vente des véhicules neufs en Algérie. La profession, qui est organisée au sein de l’association algérienne des concessionnaires automobiles , dispose même d’un club des journalistes algériens de l’automobile (CJAA).Et pourtant l’effet d’entraînement industriel de ce deuxième marché africain reste négligeable et les acquéreurs algériens ne sentent pas leurs intérêts suffisamment protégés. Face à une demande solvable qui a explosé et une ouverture totale, on se retrouve dans un marché de vendeurs et non d’acheteurs, c’est-à-dire dans un rapport de forces favorable, tout compte fait, à des constructeurs peu enclins à investir dans ces conditions.
C’est ainsi, en tout cas, que certaines associations de consommateurs perçoivent la situation du marché. Mustapha Zebdi président de l’Association de protection et orientation du consommateur et son environnement de la wilaya d’Alger (APOCE) a relevé par exemple des irrégularités « importantes » dans des opérations de vente de véhicules par des concessionnaires lors du Salon international de l’automobile d’Alger. Des acheteurs lui auraient fait part de l’absence de la date de livraison sur les bons de commandes. Selon lui, le délai de livraison leur est communiqué verbalement, ce qui va à l’encontre de la réglementation en vigueur. D’autres acquéreurs signalent le montant anormalement élevé de l’acompte que certains concessionnaires exigeraient. En vérité tout le monde sait que la majorité des acquéreurs algériens d’automobiles, au lieu de bénéficier de facilités de crédit de la part des constructeurs ou de leurs concessionnaires, pré financent tout simplement l’opération d’achat tant les délais de livraison sont longs.
Mais ce n’est pas le seul aspect problématique qui caractérise le marché automobile en Algérie. On peut également s’interroger sur les contenus des gammes des produits livrés en comparaison avec ceux des marchés en baisse des pays les plus avancés. On peut enfin s’interroger sur la qualité des services après vente et sur l’absence quasi générale de fabrication locale de composants et de pièces de rechange. Toutes ces problématiques disposent à la fois des cadres institutionnels et des mécanismes réglementaires pour être traités en concertation avec les acteurs concernés. Les conditions d’accès ou d’exercice de cette forme particulière de revente en l’état pourraient être, le cas échéant, assouplies ou durcies, selon les cas. On n’y est pas encore. En vérité la préoccupation centrale se pose surtout en amont. C’est celle de la très grande faiblesse de l’industrie automobile en Algérie. L’émergence d’une industrie nationale d’automobile et de mécanique devrait être le marqueur pour toute la profession en termes de prix, de disponibilité de servies et de pièces de rechanges essentiellement. Cela suppose au préalable l’existence d’une filière de sous-traitance mécanique et autres composants automobiles. L’Union professionnelle de l’industrie automobile et mécanique (UPIAM), soutenue par les pouvoirs publics, souhaite parvenir à la mise en place de véritables « clusters auto mécaniques » dédiés à ses activités autour de Rouïba et de Constantine notamment. Le séminaire organisé sur ce thème par l’UPIAM et l’agence allemande de coopération technique GIZ a été l’occasion pour les sous traitants historiques tels que SAEI (élastomères) de spécifier les contraintes existantes et de marquer leur disponibilité à accompagner le développement de l’industrie automobile en Algérie. On peut relever aussi l’exposé fait sur l’expérience allemande réussie du cluster du Land de RNW qui regroupe huit cents entreprises. C’est peut-être même cette question de sous-traitance qui retarde la finalisation de ces projets. A cet égard les négociations en cours pour la construction d’usines de fabrication et/ou de montage, avec au moins deux constructeurs européens, constituent un des enjeux actuels majeurs du développement industriel en Algérie. Il s’agira non seulement, lorsque ces projets seront réalisés et mis en service, de couvrir une partie d’une demande nationale segmentée et aussi d’exporter vers des marchés notamment africains et arabes sur les quels est déjà intervenu avec quelque succès la SNVI. On voit là bien apparaître une démarche pragmatique portée par le marché lui-même et que les acteurs du marché et les pouvoirs publics soutiennent.
Alors, au lieu de se lamenter sur « l’inexistence d’une stratégie industrielle », il serait plus productif de concrétiser plus rapidement les projets en cours, de favoriser, sur initiative privée, l’émergence d’autres et de bâtir au plus vite les bases industrielles de la sous-traitance algérienne.Ce faisant on contribuera à faire avancer l’économie algérienne vers l’atteinte de deux objectifs convergents. Le premier est celui des pouvoirs publics fixant la contribution du secteur industriel à 10% pour 2015. Le second, repris dans les cinquante propositions du Forum des chefs d’entreprises (FCE), est d’augmenter les exportations hors hydrocarbures à 10 milliards de dollars à cet horizon aussi. Voilà, me semble-t-il, branche par branche (plasturgie, pharmacie, agro-alimentaire, BTPH), des sujets concrets de concertation sociale entre les partenaires sociaux et les pouvoirs publics. Quant aux sujets qui fâchent, en général trop génériques, le temps finira par les régler. Sans polémique..
M. M