L’Africom et la loi sur les hydrocarbures en sont-elles la cause ?
Entre l’Algérie et les Etats-Unis, la tension monte d’un cran. L’affaire des black-listés cache un malaise profond qui ne se limite pas uniquement au terrorisme. Les causes sont à chercher ailleurs.
La décision américaine de classer l’Algérie sur la liste noire des pays dont les ressortissants doivent être sévèrement contrôlés et fouillés lors de leur entrée aux Etats-Unis s’avère démesurée et disproportionnée. D’abord, la mesure prête, elle-même, à l’équivoque et aux contradictions dans le discours officiel américain.
D’une part, les Américains ont affiché depuis quelques années une position de soutien à l’Algérie dans sa lutte contre le terrorisme. Ils avaient relancé le partenariat multiforme avec un pays qu’ils considéraient, à une époque, comme pays pivot, selon l’expression de l’ex-secrétaire d’Etat au commerce Einzenstat venu à plusieurs reprises durant les années 1990.
En second plan, l’Algérie s’est toujours montrée disponible pour aider en termes de renseignements les Américains dans leur «guerre globale» contre le terrorisme international. Cette disponibilité affichée a séduit les Américains qui ont dépêché plusieurs de leurs émissaires en Algérie pour leur signifier publiquement que le partenariat au niveau sécuritaire ne souffre aucune ambiguïté.
D’autre part, la coopération énergétique –la plus importante en termes de contrats pétroliers– entre les deux pays est davantage louée à chaque occasion. Sur ce front, tout baigne puisque la libéralisation du secteur énergétique leur est favorable.
Pour autant, cela n’a pas caché les points de discorde entre les deux parties qui révèlent un malaise diplomatique ayant dévié sournoisement vers des accusations et dérives verbales. Le premier point de mésentente est relatif à l’installation d’Africom dans les pays du Sahel, dont l’Algérie est la plus concernée dans sa lutte contre le terrorisme.
Le niet d’Alger a irrité au plus haut point les officiels américains qui attendaient probablement «une coopération docile» sur ce front. A ce niveau, l’argument de souveraineté et de non-ingérence brandi par la diplomatie algérienne a trouvé toute sa plénitude, d’autant que l’Etat algérien s’est montré «ouvert à d’autres formes de coopération sur le plan sécuritaire» au-delà de toute forme d’ingérence.
Cette intransigeance n’a pas été du goût de l’administration américaine qui a cherché un prétexte pour resserrer l’étau à travers ses continuelles «travel warning» pour ses compatriotes désireux de séjourner en Algérie. Une décision qui renforce le malaise et installe dangereusement l’idée que l’Algérie reste toujours un pays à haut risque et donc infréquentable pour le reste du monde.
Le partenariat économique pourtant exemplaire
Il faut voir dans ces sévères mises en garde une autre contradiction dans les discours tenus par les officiels et hommes d’affaires américains qui se plaisaient à vanter les mérites de l’ouverture du pays aux IDE.
Rappelons que, dans cet ordre d’idées, un conseil d’affaires algéro-américain a vu le jour en 2005 et la valse des visites des grands groupes américains qui n’a pas cessé depuis –même à l’intérieur du pays– était visiblement le signe d’une bonne lune de miel. Les échanges commencèrent à se multiplier vu l’amélioration du contexte sécuritaire du pays.
L’Algérie n’a pas lésiné sur les moyens pour sécuriser les ressortissants américains et leurs multinationales alors que, sous d’autres cieux, les citoyens de l’Oncle Sam se font enlever, séquestrer ou carrément assassiner.
Les Américains ont tout de même autorisé les industriels algériens à vendre leurs produits dans le cadre d’un régime préférentiel instauré en 2006.
En somme, l’Algérie, selon Ted Henderson, expert américain en commerce international, «est un pays qui avance dans la voie de la normalisation de son économie et de son ouverture aux marchés extérieurs».
Toutefois, le flou persiste encore sur les décisions qu’a prises l’Algérie concernant son volet énergétique à travers la révision de sa loi sur les hydrocarbures où désormais tout investissement doit conforter Sonatrach à 51 %. Là encore, les inquiétudes des Américains n’ont pas été totalement dissipées malgré l’assurance de la partie algérienne de ne pas remettre en cause les contrats antérieurs avant la révision de cette loi.
Si les Américains y voient un aspect de la nationalisation du pétrole algérien qui ne leur profite pas à terme, les Algériens n’y voient qu’une façon appropriée de ne pas brader leurs ressources à tout venant. C’est là que le bât blesse.
Faycal Abdelghani