La bureaucratie et la corruption vont de pair. Pour éradiquer, plutôt réduire, le deuxième phénomène, il faut lutter contre le premier. C’est en somme ce qu’a voulu expliquer hier le Premier ministre Abdelmalek Sellal qui a insisté, lors de la rencontre avec les walis, sur la nécessité de lutter davantage contre la bureaucratie afin de réduire la corruption qui freine le développement du pays.
«Si vous voulez qu’on règle le problème de la corruption, il faut régler les problèmes du citoyen. La première chose à faire est de lutter efficacement contre la bureaucratie», a-t-il indiqué soulignant l’urgence de mettre un terme à cet état de fait, car, a-t-il dit, «tous les dossiers d’investissement sont gangrenés par la bureaucratie». «Il faut alléger les procédures de constitution des dossiers d’investissement car il y a des lourdeurs à ce niveau», a-t-il relevé, appelant tous les responsables au niveau des wilayas à aider le gouvernement à combattre la bureaucratie.
«Le maître-mot que je voulais vous dire à ce propos est qu’il faut se débarrasser des scories de la bureaucratie», dira-t-il à l’issue des travaux de la séance du matin de la rencontre qui s’est poursuivie l’après-midi. Des exemples de ces «bureaucraties» qui freinent les investissements, M. Sellal en a donné. Comme cet investisseur italien qui voulait lancer, il y a 9 ans, une cimenterie à El Bayadh et dont le dossier est toujours en souffrance, ou encore cette zone d’activité dans la même wilaya «bloquée» depuis sa création en 1980 par l’absence de permis de lotir.
«C’est l’exemple parfait», dira Sellal avant d’affirmer qu’il faut respecter les procédures «mais quand il s’agit de l’intérêt général, il faut passer outre». «Si vous avez besoin de couverture, nous sommes là», dit-il à l’adresse des walis, comme pour les pousser à accélérer et faciliter les procédures administratives pour les investisseurs. L’Agence nationale de développement des investissements (Andi), qui est un établissement administratif, a aussi été critiquée par le Premier ministre qui dira, dans ce sens, qu’elle a bureaucratisé l’acte d’investir».
M. Cherif Rahmani étayera les propos de M. Sellal lors de son intervention en affirmant que pour des causes bureaucratiques ou de problèmes de foncier ou de financement, «50% des projets Andi ont été annulés depuis 2002». «Il faut une rupture définitive» avec ces pratiques, préconisera Sellal.
«L’entreprise est au centre du développement du pays»
Le Premier ministre a appelé, dans ce sens, les walis à accorder «une importance particulière» à la problématique du foncier industriel en Algérie en vue d’apporter des solutions satisfaisantes. «Si vous pouvez créer une zone industrielle au niveau de chaque commune, il faut le faire», a-t-il souligné ajoutant dans ce sens la nécessité de «régler le passif du foncier industriel», en considérant le foncier industriel inexploité comme «abus de droit», ce qui entraînera la récupération du terrain non utilisé par l’Etat.
Dans le cadre de la promotion de l’investissement, M. Sellal a instruit les walis à accorder une attention particulière aux dossiers d’investissement examinés par les Comités d’assistance pour la localisation, la promotion de l’investissement et la régulation du foncier (Calpiref), présidés par les walis. Il a, ainsi, insisté sur un réel accompagnement de l’administration des dossiers d’investissement et d’œuvrer consciencieusement à faciliter la mise en œuvre de projets tout en levant les obstacles à travers l’allégement des procédures et la réduction du temps de traitement des dossiers.
Pour Sellal, qui reconnaît que «la valeur du travail est perdue en Algérie depuis fort longtemps», «seule l’entreprise, qui est au cœur du développement du pays, peut créer la richesse et l’emploi». Aussi, il fera remarquer que «l’Algérie a été victime des hydrocarbures, mais le développement du pays ne doit pas se faire en dehors des hydrocarbures, mais avec». Le chef de l’Exécutif, en évoquant le chômage, parlera de «création d’entreprises». «Si vous voulez qu’on éradique le chômage, il faut créer des entreprises, c’est la seule solution», insistera-t-il.
«La fermeture des commerces à 21h est inadmissible»
S’exprimant sur les préparatifs du mois sacré de Ramadhan et de la saison estivale, le Premier ministre, Abdelmalek Sellal, qui a rassuré sur la disponibilité des produits, un axe sur lequel le ministre du Commerce s’est longuement exprimé, a également incité les commerçants à rester ouverts au-delà de 21 heures, insistant sur l’importance d’assurer le bien-être du citoyen algérien par la création d’une convivialité sociale et commerciale.
Il a jugé «inadmissible» la fermeture des magasins et autres commerces à 21 heures, qualifiant cette situation «d’atteinte aux libertés» du citoyen. Pour lui, «créer de l’animation nocturne en respectant les mœurs de la société algérienne permettra aux citoyens de se divertir et par conséquent, de se libérer de toute frustration et d’oublier la chose politique». Dans le même sillage, le Premier ministre a évoqué la gestion et l’aménagement des plages, ces lieux qui, a-t-il dit, «manquent d’assainissement, d’animation et d’infrastructures commerciales». «Tous les efforts et la mobilisation doivent aller dans cette direction», a insisté Sellal «pour améliorer le quotidien du citoyen».
Pour une gestion efficace des déchets ménagers
Pour le bien-être des citoyens, l’environnement est aussi important. Les déchets ménagers, qui enlaidissent nos cités, sont à prendre sérieusement en charge. Le Premier ministre a indiqué dans ce sens que la gestion des déchets ménagers et des décharges publiques «devrait s’ouvrir au partenariat public-privé national». «La gestion des déchets ménagers est un service public qui peut être ouvert au partenariat public-privé», a déclaré Sellal appelant à une mobilisation intense entre les wilayas pour aboutir à une «gestion efficace».
Par ailleurs, la lutte contre la prolifération des déchets publics est considérée par le Premier ministre comme un «acte fondamental» qui nécessite la mobilisation de chaque wilaya. Affirmant la volonté du gouvernement pour le règlement de cette question, il a rappelé, entre autres, qu’une enveloppe budgétaire a été allouée pour chaque wilaya pour l’installation d’incinérateurs et que le métier d’artisan collecteur d’ordures ménagères a été créé et inscrit dans la loi de finances complémentaire 2013. M. Sellal fera remarquer que les étrangers qui visitent notre pays «nous reprochent la saleté».
La distribution de l’électricité durant la saison estivale se fera «correctement»
Evoquant un autre axe principal de la rencontre, à savoir le problème d’électricité, M. Sellal a assuré que la distribution de l’électricité durant la saison estivale «se fera correctement», affirmant qu’un grand effort a été consenti pour satisfaire la demande nationale, notamment pendant cette période qui enregistre habituellement des pics de consommation entraînant parfois des coupures de courant.
«La distribution d’électricité se fera correctement. Je suis sûr qu’elle sera meilleure que l’année passée. Un grand programme a été réalisé» pour répondre à la demande nationale, a-t-il déclaré. Il a instruit, à cet effet, les walis à mettre en place une cellule d’intervention d’urgence dans chaque wilaya pour surveiller de près la distribution de l’électricité et de l’eau et pouvoir intervenir à temps en cas de problème, et à veiller à la réalisation dans les délais des projets retenus.
Pour sa part, le ministre de l’Intérieur et des Collectivités locales, Dahou Ould Kablia, a affirmé que le programme d’urgence d’électricité mis en œuvre en prévision de l’été 2013 connaît «un avancement appréciable». «Il est exclu de connaître le même déficit que celui enregistré les années précédentes», a-t-il averti.
Regagner la confiance du citoyen, un impératif
Revenant sur les relations entre le citoyen et l’administration, Sellal insistera sur la nécessité de rétablir «la confiance», une idée qu’il a déjà développée lors de ses visites sur le terrain et qu’il a appelé «pacte de confiance». Il dira à ce propos que le gouvernement a «tout mis en œuvre» pour regagner «une bonne fois pour toute» la confiance du citoyen afin de «réduire la culture de la haine» héritée des années 1990.
«Nous devons regagner la confiance entre les Algériens. Pour cela, nous avons donné toutes les prérogatives aux responsables locaux (walis et maires) pour relancer la dynamique de la croissance du pays afin de réduire la culture de la haine», a indiqué M. Sellal. Il a ajouté que l’objectif «fondamental» de l’Algérien est de vivre «décemment et d’être en sécurité», ajoutant que «notre travail est de lui donner tout cela en transférant une grande partie des responsabilités du wali aux élus».
M. Sellal a indiqué que toutes les orientations et conclusions tirées de cette rencontre doivent être «impérativement» communiquées par les walis aux élus locaux, car, a-t-il dit, «il est temps qu’ils prennent leurs responsabilités dans la mise en œuvre des actions du gouvernement et doivent assumer pleinement leurs responsabilités conformément aux codes communal et de wilaya».
A ce propos, il a annoncé qu’une rencontre regroupant les présidents des Assemblées populaires communales (P/APC) et les chefs de daïra se tiendra prochainement pour discuter des modalités de travail et des objectifs à atteindre. Le citoyen est au cœur de nos préoccupations. Nous travaillons pour lui. Si nous réussissons cette œuvre, on aura tout réussi. On aura pour ainsi dire payé notre taxe vis-à-vis de lui. Nous sommes au service du citoyen et il faut que tout le monde le comprenne définitivement», a-t-il dit à l’adresse de l’assistance.
Saïd Mekla