Maintenu au trou. Le Président de l’APC de Zéralda, Mouhib Khatir restera en prison. La demande de mise en liberté en faveur du maire, incarcéré depuis le 6 juillet dernier dans le cadre de quatre affaires de diffamation, tentative d’escroquerie, abus de pouvoir et outrage, a été rejetée par la chambre d’accusation de Blida. Au trou depuis 26 jours, le maire paierait pour sa croisade contre la mafia qui a mis main basse sur les affaires à Zéralda.
Alors qu’elle avait statué en faveur d’une mise en liberté provisoire lundi 18 juillet arguant que le prévenu présentait des garanties pour lever le mandat de dépôt, la chambre d’accusation fait volte-face lundi 25 janvier au grand dam des avocats du prévenu.
Arrêté dans la soirée du mercredi 6 juillet par des policiers en civils qui ne disposaient pas d’un mandat d’arrêt, Mouhib Khatir a été placé le lendemain sous mandat de dépôt par le juge du tribunal de Hadjout et incarcéré dans la prison de la même ville, à l’ouest d’Alger.
Diffamation, escroquerie, abus de pouvoir et outrage
Elu sous l’étiquette d’indépendant en décembre 2007, le maire de Zéralda, 48 ans, est poursuivi dans le cadre de quatre affaires : diffamation, escroquerie, abus de pouvoir et outrage. Ces deux derniers chefs d’inculpation ont été rajoutés au dossier d’accusation quelques jours après son incarcération.
Ancien chef d’entreprise installé en France avant de revenir en Algérie en 2000, Mouhir Khatib, père de cinq enfants, accuse la mafia locale de Zéralda ainsi que le procureur de la république de Blida, Mohamed Abdelli, de s’être ligués contre lui pour l’abattre. Son épouse, Sabrina Khatir, dénonce une cabale judiciaire et affirme détenir des preuves et des documents attestant que son mari fait l’objet d’un complot.
«Mon mari se bat depuis des années contre un réseau mafieux qu’il voulait démanteler, a-t-elle affirmé à notre confrère El Watan. Ils ont accaparé le centre des affaires sans payer de loyer depuis des années. Mon mari n’a pas voulu jouer leur jeu. Ce sont eux qui sont derrière cette arrestation arbitraire qui ne répond à aucune logique juridique étant donné qu’un litige commercial relève du civil et non du pénal.»
Complot
Le complot judiciaire, Sabrina Khatir en veut comme preuve supplémentaire ce coup de fil échangé avec son mari mercredi 6 juillet alors qu’il était en garde-à-vue au commissariat de Chateauneuf, sur les hauteurs d’Alger. «Ils m’ont fait tomber. Je suis un homme mort. Fais ce que tu dois faire…», lui dit-il au téléphone.
Depuis son élection comme président de l’APC de Zéralda, coquette station balnéaire située à 29 kms à l’ouest d’Alger, Mouhib Khatir a engagé une guerre contre ceux qu’il qualifie de barrons, de corrompus, d’intouchables. Pour ce maire apprécié par la population pour son franc-parler, une pègre locale a mis main basse sur le centre des affaires la ville, un grand immeuble construit en 1994 et destiné à abriter des bureaux, un hôtel, une salle de conférence…
Le centre des affaires détourné de sa vocation
Sauf que depuis sa mise en service, cet immeuble a été dévoyé de sa vocation. L’hôtel, selon le maire, est devenu une sorte de maison de passe et les bureaux ont été octroyés aux amis et aux copains. Toujours selon le maire, un cabaret a été érigé, en tout illégalité, au centre de la ville. Entre les immeubles d’habitation, l’école, les commerces…Toujours selon le maire, des logements, une vingtaine, qui devaient être distribués aux habitants de Zéralda ont été octroyés aux copains, aux amis de cette pègre.
Le grand parrain de cette pègre ne serait autre qu’Abdelli Mohamed, procureur général du tribunal de Blida. Non seulement son frère Lounis, a pu bénéficier d’un logement en établissant son lieu de résidence à la mairie même de Zéralda, mais ce procureur aurait couvert toutes les manigances, toutes les turpitudes dont se seraient rendue coupable cette mafia locale.
Des cadavres de poulets devant sa résidence
Maintes fois menacé, le maire recevait des appels téléphoniques lui promettant la mort pour lui et ses enfants et retrouvait fréquemment des cadavres de poulets déposés devant la porte de sa résidence. Sa belle-soeur témoigne à DNA : « Mouhib recevait des appels très explicite. Un jour quelqu’un au téléphone lui a dit ‘La mairie sera ta tombe.On va égorger tes enfants et violer tes filles. Malgré les menaces, il n’a jamais voulu céder.»
Dans une vidéo postée sur Youtube au mois de mai 2011, Mouhib Khatib affirmait avoir déposé plus d’une vingtaine de plaintes contre des hommes d’affaires et des élus locaux mais celles-ci ont été mises sous le boisseau.
«J’ai déposé 24 plaintes, le procureur les a toutes bloquées. De plaignant, je me suis retrouvé accusé. Des hommes et des femmes impliqués dans les magouilles liées au centre des Affaires ont témoigné contre moi», expliquait le maire dans cet enregistrement.
Des amis l’avaient prévenu des dangers qu’il encourait en s’attaquant à cette mafia. «Tu est un homme mort, retire ta plainte, ils le font pas te lâcher», lui avait conseillé un de ses amis. Réponse du maire : « Je ne retire rien !»
Silence du procureur et de la chancellerie
Mis en cause publiquement, le procureur de Blida n’a pas démenti les propos du maire et la chancellerie s’est gardée de communiquer sur cette affaire. Le ministère de l’Intérieur et des Collectivités locales, le département de tutelle, ne s’est pas non plus exprimé tant sur les accusations portées par le président de l’APC que par son incarcération.
Depuis la mise en ligne de cette vidéo accusatrice, Mouhib khatir subodorait qu’une cabale se préparait contre lui. Au mois de mai dernier, il avait sollicité un titre de congé pour prendre des vacances avec sa famille, mais la demande lui a été refusée début juillet.
Non seulement sa hiérarchie lui refusa le titre de congé, mais elle lui demanda de justifier s’il ne faisait pas l’objet de poursuites judiciaires. « On lui a recommandé de ne pas quitter le territoire national, témoigne sa belle-sœur. Alors il s’attendait à être arrêté. »
Son arrestation est donc intervenue mercredi 6 juillet. Au trou depuis 26 jours