Le Maghreb réagit à la « Révolution de jasmin » en Tunisie

Le Maghreb réagit à la « Révolution de jasmin » en Tunisie
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Sur les terrasses des cafés et dans les rues du Maghreb, le vent de la rébellion qui a soufflé en Tunisie est au centre de toutes les discussions.

Saluant le « courage » et la « maturité politique » du peuple tunisien, les commentateurs algériens ont établi des parallèles avec leur propre pays et se demandent si de tels évènements pourraient se répéter ailleurs.

« Je suis heureux pour la Tunisie et les Tunisiens qui ont eu le courage de s’élever contre l’une des dictatures les plus sévères du monde arabe », a déclaré Kamel Ait Mouhoub, un commerçant, à Magharebia. Il a ajouté que les Tunisiens ont donné une leçon à toutes les nations arabes.

Chabane Cheriki, un étudiant algérien, a déclaré apprécier l’esprit civique et l’organisation dont a fait montre le peuple tunisien.

« Ils ont honoré tout le Maghreb en prouvant qu’ils étaient un peuple éduqué avec une élite et une classe moyenne qui sait ce qu’elle veut », a-t-il déclaré à Magharebia, exprimant le souhait qu’ils pourront maintenant bâtir le type de pays qu’ils souhaitent. « Désormais, la harga se fera vers la Tunisie, ce sera la nouvelle Europe », plaisante-t-il.

La presse privée algérienne a salué la rébellion tunisienne.

« La révolte populaire des Tunisiens est à présent le nouveau phare du monde arabe », a souligné le quotidien El Watan dans son édition du samedi 15 janvier.

Ces évènements en Tunisie ont été « un avertissement au régime algérien qui continue de verrouiller le champ politique », a écrit pour sa part le Quotidien d’Oran dans son éditorial. « Ce qu’il se passe en Tunisie, où les élites ont montré qu’elles peuvent être à la hauteur, n’est pas improbable. Les mécaniques des révoltes et des révolutions sont imprévisibles et insondables. »

Un avis que partagent de nombreux Algériens, parmi lesquels plusieurs utilisateurs de Facebook, qui ont changé leur image de profil pour un drapeau aux couleurs de la Tunisie.

« Ah, être tunisien aujourd’hui ! Car c’est le seul moyen de se sentir algérien en fin de compte », explique Kamel Daoud. « Je rêve d’être tunisien, chez moi », souligne-t-il. « C’est la meilleure formule offerte par la Tunisie depuis des décennies : révolte quatre étoiles, marches et matraques comprises, pendant sept jours et une nuit. »

Les Marocains ont eux aussi suivi de très près les évènements en Tunisie. La plupart ont exprimé leur soutien à leurs voisins Tunisiens.

A Rabat, des membres de la Coordination marocaine pour le soutien aux démocrates tunisiens a organisé un sit-in devant l’ambassade de Tunisie, les 10 et 13 janvier, pour afficher leur solidarité avec les manifestants tunisiens, bien que ce rassemblement ait été interdit par les autorités marocaines.

« Nous ne pouvons que féliciter les Tunisiens pour leur transition démocratique et la victoire qu’ils ont obtenue après avoir renversé l’un des pires dictateurs au monde », a déclaré le président de cette coordination marocaine, Mohamed Al-Aouni.

« Nous soulignons également l’importance de tenir pour responsables tous ceux qui ont violé les droits de l’Homme dans ce pays et nous demandons aux démocrates tunisiens de conforter l’unité et de prendre des mesures communes pour marcher main dans la main avec cette nation héroïque et symboliser cette victoire », a déclaré Al-Aouni.

Ahmad, un salarié à la retraite, a déclaré à Magharebia : « Félicitations au peuple tunisien qui s’est débarrassé d’un Ben Ali qui n’était plus désiré. C’est une étape qui aurait dû être mise en oeuvre il y a longtemps. Ce qu’il s’est produit ne fait que dépeindre la faiblesse du Président déchu, qui n’a pas été en mesure de résister pendant un seul mois. »

« Je lève mon chapeau au peuple tunisien pour avoir renversé le tyran qui a tué et déplacé des milliers de citoyens », a déclaré Cheb Rachid. « Puisse Dieu vous aider dans la mise en place d’un régime démocratique, où toutes les couches de la société seront en mesure de bénéficier du développement. »

La Ligue arabe a souligné que les évènements de Tunisie avaient des dimensions historiques, marquant la fin d’une ère. Le renversement de Ben Ali marque la première fois dans l’histoire que des manifestants destituent un dirigeant dans le monde arabe.

« Nous espérons avec optimisme la stabilité et la sécurité de la Tunisie », a déclaré Amr Moussa, Secrétaire-général de la Ligue arabe, lors d’une conférence de presse organisée le 15 janvier au Caire. « Nous espérons seulement que les évènements actuels n’entraîneront pas des décisions qui aggraveront les tensions et que les milieux politiques seront en mesure de parvenir à un accord dans le cadre de la constitution. »

En Mauritanie, les nouvelles en provenance de Tunisie ont été suivies de près par une grande partie de la jeunesse au chômage dans le pays. Ce lundi 17 janvier, un Mauritanien s’est immolé par le feu devant le palais présidentiel, en écho au geste de Mohamed Bouazizi qui avait déclenché les troubles en Tunisie. Des incidents similaires ont été signalés en Algérie et en Egypte.

« J’ai suivi les évènements en Tunisie, du geste courageux de Bouazizi à la fuite du Président Ben Ali. J’ai vraiment apprécié de suivre tous les développements de la glorieuse révolution en Tunisie, que j’ai regardés avec l’ensemble des Mauritaniens, de tous les milieux », a expliqué Mohammed Salem, un commerçant, à Magharebia. « Le peuple tunisien mérite le respect et la liberté, et cela constitue une leçon importante pour tous les peuples arabes opprimés », a-t-il ajouté.

Le plus important parti d’opposition de Mauritanie, le Rassemblement des forces démocratiques, a publié dimanche un communiqué félicitant les manifestants tunisiens. Le secrétaire-général du parti, Ahmed Ould Daddah, a déclaré qu’il s’agissait d’une « victoire sur la dictature », tout en souhaitant plus de « sécurité, stabilité, progrès et prospérité, et la construction d’un système réellement démocratique ».

« Nous espérons également que les dirigeants à Nouakchott prendront exemple de ce qui est arrivé à Zine El Abidine Ben Ali, et qu’ils sauront revenir à une époque sans injustice ni tyrannie, et qu’ils sauront saisir la richesse et le destin d’un peuple abandonné à la faim, à la maladie, au chômage et à la marginalisation », a déclaré Ould Daddah.

« Ce qu’il s’est produit en Tunisie est tout à fait compréhensible », a déclaré pour sa part Fatima Bent Ali.

Et d’ajouter : « Le fait que les hausses des prix soient injustifiées, la marginalisation des jeunes et le manque de justice dans la répartition des richesses du pays devaient provoquer des tensions et une explosion. C’est ce qu’i s’est produit en Tunisie, et c’est ce qu’il pourrait arriver en fin de compte dans n’importe quel Etat arabe. »