Dans une ville grouillante comme Alger, le touriste ne peut être que fasciné par cette mosaïque humaine qui s’offre à lui. Le court-métrage « Ils se sont tus (Sektou)», du réalisateur Khaled Benaïssa, sorti en 2009, constitue le guide parfait pour ce touriste tenté de plonger dans les entrailles de cette cité où les gens se débrouillent comme ils peuvent pour faire face aux difficultés quotidiennes de la vie.
Le film raconte en fait l’histoire ordinaire d’un jeune animateur de radio, Smaïn, dont le rôle a été confié à Hicham Mesbah. Smaïn habite au troisième étage d’un immeuble plein de vie. Animateur à la radio d’une émission nocturne, le matin, en rentrant chez lui, il ne pense qu’à une seule chose : plonger dans son lit et se laisser aller dans le sommeil. Par malheur, sa chambre donne sur la rue la plus animée de son quartier. Khaled Benaïssa a réussi, dans ce court-métrage de 18 minutes, de résumer une partie de ce qu’est la vie d’une cité populaire à Alger. Entre Lucky Luke et son ami chauve-souris, tous les deux gardiens de parking, le vendeur de pomme de terre avec la mythique Peugeot 404 «bâchée», le vendeur à la sauvette des tapis, les écoliers, les troubadours qui jouent au Karkabou, le fleuriste qui se désole du désarroi des jeunes de son quartier, El-Hadj le vieux combattants qui reste tout le temps cloué à sa chaise sur le balcon en écoutant la radio et brandissant avec fierté le drapeau algérien, les rapports sont électriques mais sans aucune haine. Khaled Benaïssa a voulu peindre Alger, un exercice qu’il a réussi avec brio, en utilisant la pellicule qui nous fait croire à un vieux film sorti des archives de la cinémathèque algérienne.
Un jour à Alger
Raouf Benia, dans son court-métrage «Un jour à Alger (2011)», d’une durée de douze minutes, ce jeune réalisateur nous a conduit dans les dédalles d’Alger la blanche qui attend son métro avec impatience. Un jour à Alger est l’histoire d’un jeune (Hakim) qui se rend en métro à son travail, dispose d’un appartement à lui seul et offre des vacances de rêves à ses vieux parents. Hakim a réussi à décrocher un gros contrat pour sa petite société à Médéa. Soudainement, tout ce beau rêve devient un cauchemar. Toute cette gaieté n’est en fait qu’une chimère, une illusion. Hakim se lève d’abord en retard, direction le métro d’Alger. Mais le métro est toujours en chantier. Sa secrétaire l’appelle en même temps pour lui annoncer que son client a choisi un autre fournisseur. Hakim ne sait plus quoi faire. Pis, il ne sait plus distinguer entre le rêve et la réalité. Désarmé derrière son bureau, il est incapable de penser à quoi que ce soit. Sa mère l’appelle pour lui rappeler qu’il doit passer chez le boulanger en rentrant le soir à la maison. Hakim vit chez ses parents et il n’a pas d’appartement comme il se l’imaginait dans son sommeil. Le métro d’Alger, un jeune ambitieux qui dispose de son propre appartement, d’une société qui arrive à se faire une place dans un marché de plus en plus concurrentiel, etc., c’est le rêve fou d’une jeunesse algérienne qui veut croire à une vie. Un jour à Alger est sélectionné en compétition au Festival Méditerranéen de Montpellier 2011.
Demain, Alger ?
Nous sommes à la veille du 5 octobre 1988. Fouad, un jeune diplômé se prépare à partir en France pour poursuivre ses études universitaires. Ses trois amis l’attendent en bas de l’immeuble pour lui faire les adieux. En attendant son arrivée, ils discutent entre eux, avec vivacité sur leur projet commun de manifester le lendemain dans la rue à Alger. Fouad, en sortant de chez lui, hésite d’aller voir ses amis d’enfance pour leur dire au revoir. Son père l’avertit que «demain, tu es appelé à revenir ici » mais rien ne sera plus comme avant. «Tes amis auront beaucoup changé », lui explique son père. Mais Fouad quitte l’Algérie sans revoir ses amis une dernière fois. Le lendemain, Alger a tremblé. Les évènements du 5 octobre 88 ont transformé le visage d’un pays qui allait sortir du parti unique pour ouvrir une ère nouvelle. «Demain, Alger ?», du réalisateur Amin Sidi-Boumedienne, est sorti en 2011. Au Maghreb des films 2011, il avait drainé beaucoup de cinéphiles qui découvrent ainsi une autre façon de faire du cinéma en Algérie. Khaled Benaïssa, Amin Sidi-Boumedienne ou Raouf Benia, ont inauguré une nouvelle ère, eux aussi, du cinéma algérien. D’autres jeunes cinéastes et réalisateurs comme eux, essayent de redonner vie à ce genre artistique et offrir une image de leur pays, autre que celle que l’on croit connaître.
L. M