L’auteur britannique Tom Rob Smith embarque le lecteur de La Ferme dans un suspense psychologique à la Hitchcock, entre psychose et paranoïa, inspiré de son propre traumatisme familial: «La frontière est mince entre folie et imagination», dit le romancier.
C’est le quatrième roman de l’auteur. L’un des épisodes de sa trilogie russe, Enfant 44 (Child 44), traduit dans 34 pays et vendu à 4 millions d’exemplaires dans le monde, a été adapté au cinéma par Daniel Espinosa. Le film sera en salles au printemps 2015, avec Noomi Rapace, Tom Hardy et Vincent Cassel.
«J’ai vu le film, Noomi Rapace est géniale», confie à l’AFP le romancier et scénariste qui a écrit pour BBC Films l’adaptation de La Ferme. Il est aussi le scénariste d’une mini-série de la BBC, London Spy, qui sortira en 2015. Daniel, le narrateur de La Ferme, publié en France chez Belfond, reçoit un jour un appel de son père: «Ta mère… elle ne va pas bien. Elle s’imagine des choses, des choses terribles. Elle est à l’hôpital. Elle a été internée.»
Daniel, qui imaginait ses parents profiter de leur retraite dans une charmante ferme suédoise, voit sa vie basculer. Et puis un autre appel. De sa mère, qui vient le retrouver à Londres. «Je suis sûre que ton père t’a parlé. Cet homme ne t’a dit que des mensonges. Je ne suis pas folle. Je n’ai pas besoin de médecin. J’ai besoin de la police». Tom Rob Smith, né en 1979, a comme son héros une mère suédoise et un père anglais.
«Nous vivions à Londres, et je passais tous mes étés en Suède. Quand mes parents ont pris leur retraite dans une ferme en Suède, j’allais souvent les voir et leur vie semblait idyllique.» Le héros du roman, lui, ne connaît pas la ferme de ses parents. Ce qui nourrit le mystère. «Comme Daniel, j’ai reçu un coup de fil de mon père m’annonçant que ma mère était internée en Suède. Elle est partie de l’hôpital et est venue à Londres pour me parler. Un long monologue durant lequel elle a nié tout ce que mon père disait, parlait de conspiration… C’était horrible. Qui croire, ma mère ou mon père?», avoue l’auteur. Sa mère a finalement été prise en charge et se porte bien aujourd’hui. Le couple vit de nouveau à Londres.
«C’est cet épisode traumatisant pour moi et ma famille qui est le point de départ du roman, mais je l’ai transformé en fiction.» Deux histoires. Deux vérités. Qui croire? Jusqu’où Daniel sera-t-il prêt à aller pour le découvrir. Une ferme isolée dans le Sud de la Suède. Des retraités ruinés. Un voisin menaçant soupçonné des débauches les plus infâmes. Le décor est planté pour ce thriller psychologique habité par la paranoïa et le secret, qui se dévore d’une traite. Daniel est homosexuel et l’a caché à ses parents.
«Le personnage devait lui aussi avoir un secret. Mais il a une vie épanouie à Londres», explique Tom Rob Smith. «C’est un roman dérangeant. C’est ce que je voulais, faire naître l’angoisse, le suspense, laisser le lecteur incertain par rapport à la vérité. Le livre pose aussi une question fondamentale: qui sont réellement nos parents? On ne les connaît jamais vraiment.» «La certitude est l’ennemi de la créativité. Etre romancier, c’est souvent être «borderline»», estime-t-il. «La frontière est mince entre la folie et l’imagination du romancier qui vit dans la fiction, détaché du réel, quand il écrit. Ma mère avait aboli cette frontière. On n’a jamais compris ce qui avait déclenché sa maladie», remarque l’auteur.