Le liquidateur algérien a été débouté, L’argent de Khalifa Airways reste en France

Le liquidateur algérien a été débouté, L’argent de Khalifa Airways reste en France

Le tribunal de commerce de Nanterre a statué, au début de l’année 2013, dans le litige qui a opposé le liquidateur judiciaire de Khalifa Airways et ses créanciers. La vente de trois propriétés que Abdelmoumene Khalifa possédait sur la Côte d’Azur a permis de rembourser Air France, le constructeur ATR et des sociétés de leasing qui lui sont affiliées. Moncef Badsi, liquidateur désigné par la justice algérienne n’a jamais réussi à s’imposer devant les juridictions françaises. Une grande partie de l’argent de la liquidation de Khalifa Airways reste en France.

La justice française a tranché définitivement un volet de l’affaire Khalifa. Le 27 février dernier, la 6e chambre du tribunal de commerce de Nanterre a statué sur un accord à l’amiable entre le liquidateur judiciaire de Khalifa Airways et la compagnie aérienne Air France.

L’affaire a été «débattue hors la présence du public, selon les dispositions légales», peut-on lire dans les extraits des minutes d’audience dont le Soir d’Algérie a obtenu une copie. La procédure dite d’homologation de transaction a été introduite par l’étude de mandataires judiciaires Becheret-Thierry-Senechal-Gorrias (SCP BTSG) désigné, le 10 juillet 2003, en qualité de liquidateur judiciaire de la société Khalifa Airways.

Les documents précisent que cette entité est une «société de droit algérien au capital de 150.000.000 DA» ayant son siège social à Alger et ayant, en France, «son établissement principal 34, rue Jean Jaures- 92800 Puteaux». L’affaire remonte au mois de septembre 2003, soit quelques semaines après la déclaration de cessation de paiement de la compagnie aérienne algérienne, lorsque les avocats de la compagnie Air France saisissent par courrier, le liquidateur pour exiger le réglement d’une dette de 6 987 487,86 euros. Les créances se composent ainsi : 6,467.634,96 euros en principal au titre de l’exécution d’un contrat de maintenance des Airbus A310 et une créance de 498 480,36 euros représentant l’utilisation des systèmes Gaétan, Alpha 3 et Applitel ainsi que la connexion au réseau de télécommunication et l’assistance à l’escale.

Dans sa requête, la compagnie française joint une reconnaissance de dette de la société Khalifa Airways ainsi qu’une hypothèque sur trois propriétés. Ce patrimoine, situé dans la ville de Cannes, se compose de la villa Bagatelle (bâtie sur deux lots de 81 ares, 75 centiares et 32 ares 80 centiares), la villa Matchotte (25 ares 90 centiares) et la villa Virevent (23 ares 60 centiares). En fait, la compagnie française avait, en avril 2003, introduit une procédure auprès du tribunal de commerce de Paris à l’encontre de Khalifa Airways. Mais le liquidateur ne reconnaît pas les créances et conteste la procédure en cours au niveau du tribunal de commerce de Paris. Une véritable bataille juridique débutera dès l’automne 2003 autour de la revendication de la propriété des trois villas de la Côte d’Azur. Un bras de fer qui opposera d’un côté le liquidateur judiciaire à la compagnie Air France, mais aussi au liquidateur désigné par la justice algérienne ainsi qu’une société de droit luxembourgeois, SA Amalux.

Badsi échoue

Moncef Badsi, le liquidateur algérien, avait jugé les procédures engagées en France illégales puisque Khalifa Airways était une société de droit et de capitaux algériens. Mais Badsi n’obtiendra jamais gain de cause. «La société Air France et l’exposante (la SCP BTSG) ont convenu, par leur conseil respectif, de reporter la reprise de l’instance devant la cour d’appel de Paris dans l’attente également de l’issue de la procédure engagée par M. Badsi ès-qualité de liquidateur judiciaire de la société Khalifa Bank et tendant également, à remettre en cause le droit de propriété détenu par la liquidation judiciaire de la société Khalifa Airways sur l’ensemble immobilier composé des villas Bagatelle, Matchotte et Virevent.

En outre, par un arrêt rendu en date du 27 septembre 2012, la Cour de cassation a rejeté le pourvoi formé par M. Badsi ès-qualité à l’encontre d’un arrêt d’appel rendu en date du 2 novembre 2010 par la Cour d’Appel d’Aix en Provence ayant confirmé un précédent jugement rendu en date du 9 septembre 2008 par le tribunal de grande instance de Grasse ayant débouté M. Badsi de l’ensemble de ses demandes», est-il indiqué dans les extraits des minutes de l’audience du 27 février 2013. Mais il semblerait que Moncef Badsi a évité d’informer l’opinion publique algérienne, et surtout les victimes du scandale Khalifa, de ses défaites en terre de France.

Un fait étrange est également à signaler. Lundi dernier, dans un entretien accordé à notre confrère El Watan, le liquidateur judiciaire algérien a fait référence «à la villa de Cannes». Mais il est clairement établi que le patrimoine immobilier objet du litige était composé non pas d’une, mais de trois villas… Et il semblerait que ces trois propriétés aient attisé bien des convoitises.

La procédure engagée par SA Amalux en est une preuve concrète. Inscrite sous le numéro B35047 au registre du commerce du Grand Duché du Luxembourg, cette société a été créée en 1990 et est actuellement dirigée par un certain Christian François. Sauf que les responsables d’Amalux ont fini par abandonner toutes revendications de propriété sur les villas de Cannes devant le tribunal de grande instance de Grasse.

Liquidation stratégique

Et c’est finalement l’étude de mandataires judiciaires Becheret-Thierry-Senechal-Gorrias qui remportera la bataille. Leurs actions poussent la justice française à ne pas reconnaître les hypothèques détenues par Air France sur les villas Bagatelle, Matchotte et Virevent.

Le 20 février 2007, le tribunal de Nanterre autorise la vente du patrimoine immobilier pour un montant total de 21 millions d’euros. La liquidation judiciaire française de la société Khalifa Airways dispose d’une somme conséquente pour rembourser les créanciers. La prochaine étape consistera à faire le tri des dettes. Aux 6 987 487,86 d’euros revendiqués par Air France, il faut ajouter 53 944 626,69 euros et 8 147 066,48 euros exigés par le constructeur aéronautique franco-italien ATR ainsi que 407 100 dollars US, 207 000 dollars US et 181 700 dollars US de dettes détenues par les sociétés de leasing Merinos, Regional Aircraft, Renaissance et Wilmington Trust. Il faut dire que la liquidation française de Khalifa Airways va réussir un coup de maître en proposant des accords à l’amiable à ses adversaires.

Pour des raisons qui restent encore inexpliquées, ATR et l’ensemble des sociétés de leasing qui lui sont affiliées acceptent d’être remboursées à hauteur de 2,5 millions d’euros! La perte est estimée à plus de 60 millions d’euros. Idem pour Air France qui décide d’effacer l’ardoise de près de 7 millions d’euros en contrepartie de 811 795 euros… Ces sommes minimes seront prélevées sur les 21 millions d’euros fruit de la vente des villas cannoises. Après versement des sommes dues, le liquidateur français devrait avoir en caisse au moins 18 millions d’euros. Une cagnotte qui va sûrement finir dans les comptes du Trésor public.

T. H.