Un geste “malvenu” qui apparaît comme l’expression d’une volonté de recomposer la scène politique à la lumière des “révolutions” détournées.
Le leader islamiste tunisien, Rached El-Ghannouchi, effectue depuis hier une visite de trois jours à Alger, la première depuis la chute de Ben Ali et depuis l’élection de l’assemblée constituante où son parti a remporté la majorité des sièges.
Selon une source diplomatique algérienne, le chef islamiste, qui n’a pas de fonction officielle, vient à Alger pour “une visite d’amitié”. Durant son séjour algérois, il sera accompagné par Abdelkader Bensalah, le président du Conseil de la nation.
L’on ne sait toutefois pas s’il est officiellement invité à Alger malgré le fait qu’il soit reçu par le deuxième homme de l’État. Sur le plan protocolaire, El-Ghannouchi a bénéficié d’un accueil digne d’un représentant officiel de la Tunisie alors qu’il n’a aucune fonction dans le gouvernement.
À quel titre est-il alors venu à Alger ? Après l’épisode de Doha qui a créé une polémique autour de la double rencontre entre le président Bouteflika et Abdeldjalil du CNt libyen, ne sommes-nous pas devant un cas similaire avec ce représentant des frères musulmans tunisiens ?
Encore un cadeau à l’islamisme
Après le cadeau offert, et dans quelle circonstance, à l’islamiste libyen, l’Algérie semble accorder un autre à son semblable tunisien. Cela alors que ce pays voisin vient de désigner ses responsables officiels, président et Chef du gouvernement.
En agissant avec autant d’égards et de protocole avec le leader islamiste, les autorités algériennes réorientent et recadrent leur position de manière surprenante puisqu’elles lancent un véritable signal aux islamistes, à ceux de la ligue des Frères musulmans. Un signal que ne manquera pas de capitaliser et d’exploiter les islamistes algériens de cette mouvance, eux qui sont à l’affût, prêts à s’engouffrer dans la moindre brèche. Le président de la république semble succomber à la mode qui fait le distinguo entre islamistes extrémistes et modérés pour accepter d’intégrer, sans risque, les seconds dans le jeu politique démocratique et ouvert.
Recentrage de la position officielle vis-à-vis de l’islamise
Un geste “malvenu” dans ce contexte de volonté et de désir de changement vers plus de liberté et de démocratie dans le monde arabe et au Maghreb. Ce qui apparaît comme une volonté de recomposer la scène politique à la lumière des “révolutions” détournées en accordant un peu plus d’espace aux islamistes pour renforcer leurs rangs dans la région. Partant de cela, c’est une chance inespérée pour les frères musulmans algériens éparpillés et en hibernation de se réveiller à l’approche d’une importante échéance électorale.
Une réanimation qui va donner des ailes à la ligue et son président El-Karadaoui. Sans oublier Rached El-Ghannouchi qui est son vice-président. El-karadaoui réside depuis des années à Doha d’où il distille des fetwas à la tête du client, selon les intérêts de son pays hôte.
El-Ghannouchi a déjà séjourné à Alger, durant les années 1980, mais son exil algérien n’a pas été accepté en 1991 lorsqu’il a été invité à quitter l’Algérie pour se rendre à Londres où il n’a pas cessé ses activités en prodiguant ses conseils au Fis dissous en pleine ascension et surtout franchement disposé à “muter” la société algérienne.
Les cadres d’Ennahda ont séjourné plusieurs fois à Alger lors de la campagne électorale pour l’assemblée constituante. Ce qui est un indice de plus du recentrage de la position officielle algérienne vis-à-vis de la mouvance islamiste.
On s’en est “débarrassé” en 1991, année du début des problèmes algériens dont on connaît la suite, El-Ghannouchi revient par une porte quasi officielle en 2011, à Alger, où il est reçu comme un chef d’état.
À quoi joue alors Bouteflika ?
Djilali B.