Alors que le projet de la banque postale, récemment déposé pour examen auprès de la commission spécialisée de l’Assemblée populaire nationale, connait sa phase de finalisation, de plus en plus de cadres de l’entreprise affichent leur souci de voir Algérie Poste se délabrer encore plus gravement.
Pour le directeur général d’Algérie Poste, Mohamed-Laïd Mahloul, la création d’une banque d’Algérie Poste répond au souci d’ «optimiser le rôle économique d’Algérie Poste», et comme pour confirmer définitivement que la création de la banque d’Algérie Poste a été avalisée en haut lieu, il précise encore que 8 000 fonctionnaires de la poste ont été formés pour la lutte contre le blanchiment d’argent et que ses services ont déjà ouvert le chantier de ce projet ambitieux, avec notamment la formation des ressources humaines et la préparation du système bancaire en tant qu’étapes-clés du nouveau projet.
Si Algérie Poste a décidé de hâter la création de son projet de banque postale et de mettre en conformité ses services, c’est parce que des « signaux positifs » ont été lancés de la part des autorités monétaires et financières. Donc, il n’y a qu’à attendre pour voir s’implanter, bientôt, au cœur même de la capitale, puis ailleurs, des banques frappées du sigle d’AP.
Le directeur d’Algérie Poste était tout fier, il y a une semaine, avant la présentation du projet de banque postale devant les députés et la commission sectorielle de l’APN, expliquant que l’établissement public s’employait, d’ores et déjà, à achever les préparatifs de ce projet-clé, précisant que, pour ce faire, la modernisation du groupe postal, entamée à la fin de l’année 2012, prévoit une amélioration de la qualité de service et une mise en place d’un nouveau système de paiement. C’était le ministre de tutelle, Moussa Benhamadi, qui avait annoncé que la banque postale devrait être lancée courant 2015, le temps de former et de mettre en place l’écosystème adéquat.
La banque postale annonce, d’ores et déjà, qu’elle fournirait des petits prêts à la consommation et autres services bancaires, une banque pour les petites bourses en somme. Mais, est-elle utile ? Il est de notoriété publique qu’Algérie Poste est gravement déficitaire. Son plan de charge a été mal géré, ses services, malgré beaucoup de progrès, dus surtout à des supports techniques, non humains et de piètre qualité, et ses performances loin des normes internationales requises pour un service public de cette importance.
Des cadres d’AP nous ont fait part de la volonté des promoteurs du projet de banque postale de faire des bénéfices et renflouer les caisses. Mais ils nous ont aussi mis en garde contre les risques de banqueroute pour ce type de banque, dont personne ne maitrise encore les contours, car en devenir. Par ailleurs, il y a lieu de préciser que pareille banque engrangera sur les actifs d’Algérie Poste, avec la possibilité de rembourser cette dernière. Une banque de ce type ne peut mathématiquement, lors des deux premières années de travail, engranger de bénéfice. D’où les craintes de mettre en péril, d’abord, Algérie Poste, elle-même, déjà confrontée à des soucis financiers de toutes sortes et dont la grève générale de janvier 2013 avait révélé au grand public tous les problèmes, de fond et de forme, qui la paralysent de l’intérieur…
Toutefois, il n’y a pas de raison de voir que du négatif. Une banque postale peut avoir pour les citadins des retombées bénéfiques, même si, en amont, Algérie Poste devrait subir une transformation quantitative et qualitative. Ce qu’il y a à craindre, c’est que cette banque se fasse à la va-vite, sans passer, au préalable, par un assainissement d’AP, sans l’avoir débarrasser de ses rebus, de ses pléthores et de ses soucis financiers. AP est une entreprise largement déficitaire, et la règle veut qu’on ne reconduise pas une équipe qui perd…
Fayçal Oukaci
