L’alpaga, une espèce de lama des hauts plateaux andins, est devenu en Chine le symbole d’un mouvement de résistance à la censure. Tout a débuté par un clip vidéo diffusé sur Internet utilisant le mammifère comme personnage principal. Puis des photos, des dessins et même des peluches d’alpagas ont été échangés comme signe de ralliement.
L’animal fait partie d’un bestiaire de créatures mythiques, populaire sur Internet, et les caractères chinois du mot alpaga, qui se dit « caonima », signifient… « nique ta mère ». C’est sous la forme d’une parodie très appréciée sur le Net que s’est propagée cette forme de réponse collective à la propagande officielle. Sur l’air d’une célèbre chanson enfantine, des centaines de milliers d’internautes se sont passionnés pour l’histoire de ce « troupeau d’alpagas du désert de Ma Le Gobi, joyeux et malins, espiègles et agiles, ils aiment courir libres, ils aiment s’allonger dans les herbes hautes ».
Au terme d’une bataille épique pour préserver leur environnement, raconte la chanson, les alpagas mettront en déroute les crabes d’eau douce qui envahissaient leurs steppes. « C’est ainsi que les crabes d’eau douce ont disparu à jamais du désert de Ma Le Gobi. » Dans le langage codé de l’Internet chinois, les crabes d’eau douce rappellent le mot « harmonie » et donc la « société harmonieuse » dont le président Hu Jintao a fait le paradigme de son mandat. Son invocation récurrente sur la Toile renvoie à la censure omniprésente des sites par des armées d’ »harmonisateurs ».
Au début de l’année, une vaste « campagne spéciale de rectification des contenus vulgaires sur l’Internet » a, sous couvert de combattre la pornographie et la vulgarité, fermé des centaines de lieux d’échange et de débats en ligne.
Dans un texte qui circule sur Internet, Cui Weiping, une critique littéraire et de cinéma, conclut ainsi son propos : « Alors je chante cette jolie chansonnette – je suis un alpaga – et quand bien même le monde entier l’entend, vous ne pouvez pas dire que j’ai violé une quelconque loi. »