Le journaliste d’investigation est un « citoyen » tenu par une « éthique » a, entre autres, affirmé le journaliste et écrivain français, Pierre Péan, qui a animé jeudi à Alger, un atelier de formation sur le « Journalisme d’investigation ».
Organisé par le ministère de la Communication et destiné aux professionnels des médias nationaux, l’atelier a permis aux journalistes des secteurs privé et public de s’imprégner de la longue expérience de leur confrère Pierre Péan qui leur a livré ses appréciations et opinions sur des questionnements liés à ce type d’écriture journalistique.
Questionné à maintes reprises sur les « limites » du journaliste d’investigation, l’animateur de l’atelier a noté que le professionnel de la presse est « avant tout un citoyen » qui est tenu par la limite de « l’éthique » et de la « conscience ».
« Il m’est arrivé d’avoir des scoops et que j’ai décidé de ne pas publier par souci d’éthique aux motifs par exemple, de présomption d’innocence des mis en cause ou de risques physiques que cette publication pouvait entraîner pour eux », a-t-il argumenté.
Le journaliste et auteur à succès a, dans ce contexte, évoqué les « secrets d’Etat » pouvant également justifier la non diffusion d’une enquête, notant qu’il « croit que toute institution a droit au secret à condition que cela ne soit pas motivé par des magouilles », a-t-il observé.
Répliquant, par ailleurs, à une récurrente inquiétude des journalistes, à savoir, les risques de manipulation, le conférencier a estimé, qu’il « appartient » à l’auteur de l’article « d’accepter » ou pas d’ »être manipulé », considérant que cela fait partie des « risques du métier ».
« Ceux qui viennent me voir ont forcément des intentions de manipulation, qu’elles soient bonnes ou mauvaises, et le jour où on ne voudra plus me manipuler, je serais soit dans l’au-delà soit trop fatigué ou inintéressant », a-t-il précisé, conseillant ses plus jeunes confères algériens d’apprendre à « bien gérer » les facteurs et néanmoins « contraintes » du temps et de l’espace.
Affichant sa réticence quant à la nouvelle forme de journalisme telle qu’exercée par Edward Snowden, auteur de fuites sur des documents américains de surveillance sur Internet, il a déclaré remettre en cause la « notoriété » internationale dont jouit l’ex-agent de l’Agence américaine de Sécurité (NSA).
Pierre Péan a reconnu également s’être adapté tardivement aux nouvelles technologies qui ouvrent, selon son avis, la voie à une « plus grande manipulation » que l’écrit.
Interpellé, par ailleurs, sur la « collaboration » entre hommes des médias et services de sécurité, Pierre Péan a estimé que la question s’évalue « selon le cas », mais qu’il n’était pas contre cette situation dès lors qu’elle se fait dans un cadre « propre », arguant du fait que ces contacts peuvent avoir « une bonne information » à rendre publique.
Né le 5 mars 1938 en France, Pierre Péan fait des études en droit et sciences politiques et devient journaliste après les événements de 1968. Il rejoint d’abord l’Agence France Presse (AFP), puis l’Express et enfin l’hebdomadaire Le Nouvel Economiste.
Il obtient son premier grand succès avec « Affaites africaines » où il dénonce des réseaux maffieux au Gabon, puis intervient à titre de pigiste dans d’autres publications avec des sujets de son choix, où il débusque souvent des scandales politico-financiers impliquant de hautes personnalités de l’Etat français et étrangers.
L’on retiendra notamment qu’à travers son ouvrage « Main basse sur Alger », paru en 2004, il avait mis à nus les desseins secrets de ce qui s’apparentait à une « expédition » contre Alger en 1830, relevant que les motivations de la France coloniale étaient, en réalité, liées aux richesses de l’Algérie.
En sus d’une expérience en politique (écologie et extrême gauche), il sera surtout, à partir de 1975, un écrivain prolifique avec un rythme d’environ un livre par an.