Le journal d’Ann Sjoberg, une Suédoise de passage à Alger

Le journal d’Ann Sjoberg, une Suédoise de passage à Alger

Trouvé  tel quel, oublié sur l’ordinateur d’un cybercafé, ce journal d’une Suédoise de passage en Algérie:

– Cher Björn, je t’envoie mon dernier journal.

Ça y est, je vais rentrer. Je dois partir et quitter ce pays dont je ne sais plus vraiment s’il est chaleureux ou simplement très chaud. Depuis que je suis arrivée, je me sens toute molle, effectivement et physiquement, prête à tomber amoureuse à chaque coin de rue et toute flasque à cause de la chaleur qui distend tous les tissus. Quels souvenirs je garde de cet étrange pays ? Essentiellement des souvenirs de femme, on m’a demandé 50 fois en mariage, on m’a pincé le derrière une centaine de fois dans la rue et traité de chienne (on dit kelba, un mot qui revient souvent) une vingtaine de fois. Mais on m’a aussi offert des centaines de fleurs, invité 1000 fois au restaurant et un homme m’a même dit qu’il se ferait GSPC pour moi, ce que je n’ai pas bien compris.

J’ai appris plein de nouveaux concepts, que je vais essayer d’exporter avec moi en Suède. Comme délestage, bipage, dégraissage, flashage. En tous les cas, je ne suis pas restée longtemps mais je me suis attaché à ce pays, même si je n’ai pas bien compris comment il était géré et dirigé. Je n’ai jamais vu de dirigeant d’ailleurs, ni maire ni wali ni ministre, sauf à la télé. Oui je sais Björn, chez nous, on peut les rencontrer dehors, dans un café ou dans la rue. Mais ici, c’est différent, les dirigeants vivent dans des bunkers étanches où ils ne sortent qu’en escorte et lunettes noires, comme des mafieux colombiens.

LG Algérie

Mais bref, le peuple des dirigés comme les appelle mon voisin toujours en pyjama rayé n’est pas comme ça. Les Algériens sont généreux et cruels, ouverts et fermés, méchants mais si tendres, et les Algériennes sont tout simplement formidables. J’ai proposé à Sarah, mon amie coiffeuse de venir à Stockholm ouvrir un salon de coiffure pour blondes où l’on offrirait plein de teintures et de rumeurs sur les gens, mais elle a refusé, m’expliquant qu’elle devait s’occuper de sa grand-mère, une vieille femme qui a 200 ans et qui envisage sérieusement de se remarier. Avec un homme plus jeune qu’elle, évidemment. Mais je te dirais ça bientôt de vive voix Björn. J’espère que tu seras à l’aéroport et à l’heure, sinon comme m’a dit Sarah, tu n’auras pas ton dessert.