Depuis de très nombreuses années, l’islam est la cible privilégiée de certains milieux politiques européens, et, plus particulièrement, français.
Du voile islamique aux minarets et de la prière dans la rue à la viande halal, la stigmatisation de notre noble religion est devenue un grand classique de la droite et de l’extrême droite françaises. La polémique sur le sacrifice rituel des animaux comestibles a une dimension électorale qui n’échappe à personne.
L’instrumentalisation politicienne de cette affaire archétypale de l’absurdité déroge au principe de laïcité que la République française a posé comme un fondement de sa neutralité vis-à-vis des religions. L’Etat ne doit ni combattre ni encourager les religions. Il les connaît toutes mais n’en reconnaît aucune. La tournure que prend cette charge contre le halal porte une atteinte flagrante à la liberté de conscience que la loi de séparation de 1905 déclare dans son article premier assurer. Le sacrifice rituel des animaux comestibles relève de la conscience religieuse des musulmans, et on ne peut à cet égard s’ingérer et s’immiscer dans leurs pratiques et leurs croyances spirituelles.
L’Etat n’a pas à dire ce qui est licite ou non, et à se substituer aux religions pour fixer les dogmes religieux. L’argument de la souffrance des animaux sacrifiés rituellement ne tient pas la route une seconde devant les formes avérées de cruauté envers les animaux depuis la tauromachie à la vivisection en passant par le gavage torturant des palmipèdes.

Evidemment, personne n’en est dupe, la communauté musulmane sert, encore une fois, de variable d’ajustement des prochains enjeux électoraux. Mais, hélas, les « instances représentatives » de l’islam nommées par le ministère de l’Intérieur ne disposent pas de l’autonomie nécessaire à la protestation et de l’influence indispensable pour déterminer le comportement des électeurs musulmans et le vote.
Le secteur agroalimentaire est le premier secteur industriel en France avec plus de 550.000 salariés et non salariés, un chiffre d’affaires qui avoisine 150 milliards d’euros l’année précédente [20% environ de l’ensemble de l’industrie française et presque 15% de la valeur ajoutée]. Le segment spécifique du halal représente, selon des chiffres récents, 5,5 milliards de chiffre d’affaires, ce qui n’est pas négligeable, et offre plusieurs milliers d’emplois. L’industrie du halal connaît en France une très forte croissance annuelle de près de 20%.
Les plus grandes entreprises agroalimentaires françaises se sont adaptées au marché du halal qui touche, au moins, six millions de personnes en France. Si d’aventure l’abattage rituel venait à être interdit, l’industrie agroalimentaire qui se porte assez bien par rapport à d’autres secteurs d’activité rentrerait dans un cycle de décroissance qui pénaliserait l’emploi et produirait du chômage. Les musulmans de France n’en continueraient pas moins de consommer une viande d’importation sacrifiée selon leur rite. Les filières viande en particulier s’adresseraient à des pays comme l’Indonésie, la Thaïlande, la Malaisie, l’Afrique du sud ou la Chine pour satisfaire la demande.
Tous les ans, au moment de l’Aïd al Adha, l’agriculture française réalise un chiffre d’affaire de plusieurs millions d’euros [officiellement 250.000 à 350.000 têtes d’ovins sont sacrifiées ce jour là pour un prix allant de 200 à 300 euros la tête]. Si les musulmans renonçaient volontairement à cette geste abrahamique recommandée par le Prophète ou étaient contraints de l’abandonner, les agriculteurs et les éleveurs français en seraient désavantagés. Cette campagne contre l’abattage rituel et le halal d’une manière générale qui vise, à n’en point douter, l’islam en premier lieu ferait de l’agriculture la victime sacrificielle.