Le gouvernement veut contrôler l’espace religieux

Le gouvernement veut contrôler l’espace religieux
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Le ministère des Affaires religieuses prépare une nouvelle organisation de l’espace religieux algérien, lui permettant de contrôler et tenir en main toutes les mosquées et toutes les associations cultuelles du pays lesquelles seraient régies par de nouvelles lois spécifiques, actuellement à l’étude au niveau du gouvernement.

Les deux projets de loi concernant la création des associations à caractère religieux, la construction et la hiérarchisation des mosquées, sur lesquels le gouvernement travaille, seraient incontestablement retoqués par le Conseil constitutionnel si celui-ci disposait d’une liberté d’action. D’après la présentation qu’en a fait l’inspecteur général des Affaires religieuses sur l’antenne de la chaîne III, ces projets de loi seraient en contradiction avec au moins trois articles de la Constitution (36, 41 et 43) qui fondent, à la fois, la liberté de conscience et d’opinion, les libertés d’expression, d’association et de réunion ainsi que le droit pour tout citoyen de créer des associations.



Selon les propos de Mohamed Aïssa ou ce que l’on peut en déduire, le gouvernement s’acheminerait vers une loi de séparation des associations religieuses (cultuelles) ou considérées comme telles, qui seront désormais régies par de nouvelles dispositions juridiques spécifiques, et des associations dont l’objet serait civil. Ces nouvelles lois obéissent à une seule préoccupation du gouvernement, le contrôle des associations cultuelles qui ne pourraient plus être créées librement selon les dispositions de la loi 90-31 de 1990, stipulant dans son article 6 que quinze personnes, au moins, peuvent fonder une association dont l’objet, est-il souligné, n’est pas «contraire au système institutionnel établi, à l’ordre public, aux bonnes mœurs ou aux lois et règlements en vigueur».

En citant la France comme exemple pour appuyer le bien fondé de ces mesures «législatives», destinées à organiser ou à réorganiser les cultes, l’inspecteur général des Affaires religieuses reconnaît implicitement la distinction des champs religieux et laïc qui seraient, comme en France, régis par deux lois différentes de type de celles de 1901 et de 1905. Jusqu’ici, toutes les associations, sans distinction, dont le nombre s’élèverait à 96 000, selon Mohamed Aïssa, relevaient de l’autorité du ministère de l’Intérieur. Avec l’entrée en vigueur des nouvelles lois, les 15 990 associations déclarées cultuelles seraient placées sous celle du ministère des Affaires religieuses lequel accorderait les agréments aux associations selon qu’elles répondent aux canons officiels ou non.

Pour lui, certains courants religieux, qui se sont organisés en associations agréées, ne seraient que des instruments entre les mains de forces étrangères en vue de «déstabiliser le pouvoir en place, au Maghreb et dans le monde arabe», dans la mesure, précise-t-il, où «elles tentent de s’organiser en courants politiques», citant plus particulièrement l’Ahmadisme, agent, à ses yeux, du «sionisme international».

Aussi, qu’elle agrée une association, de quelque obédience qu’elle soit, l’autorité publique, en l’occurrence les walis, ou la justice peut l’interdire et la dissoudre par la même loi. L’Ahmadisme, une secte née en Inde au 19ème siècle, a été combattue par tous les courants musulmans pour prétendre à la prophétie de son fondateur, Mirza Ghulam Ahmad, et au syncrétisme entre l’islam, le christianisme et le judaïsme.

Plus significatif encore dans la formation par la loi d’un «pouvoir religieux», la hiérarchisation et la spécialisation des mosquées et des associations cultuelles. D’après l’inspecteur général du ministère des Affaires religieuses, les mosquées seraient, en effet, hiérarchisées en Grande mosquée d’Alger, placée au sommet, puis toutes les autres mosquées du pays à un niveau inférieur, jusqu’aux lieux de prière de quartier. Qui dit hiérarchie, dit lien d’autorité. La Grande mosquée d’Alger, obéissant aux ordres du ministère des Affaires religieuses, institution politique, régenterait, selon ces projets de loi, l’ensemble des institutions religieuses du pays.

Brahim Younessi