Depuis le début de l’année, le gouvernement ne cesse de remettre en cause des mesures et des textes réglementaires qu’il a, lui-même, mis au point. La pression de la rue est, certes, forte, mais les volte-face de l’Exécutif montrent aussi sa promptitude à prendre des initiatives en décalage avec la réalité.
Au début du mois de janvier, des émeutes éclatent un peu partout dans le pays. Des jeunes et des plus âgés manifestent contre la cherté de la vie. C’est, du moins, la raison déclarée de la colère des manifestants. Aussitôt, le gouvernement agit sur les prix de l’huile et du sucre pour les rendre accessibles aux citoyens. Il montre aussi qu’il a saisi le message des lobbies en cessant de faire la guerre aux tenants du commerce informel et de la fraude fiscale. Le ministère du Commerce renonce en stoppant net l’opération d’assainissement du commerce informel et de gros. Le registre du commerce, l’achat par facturation et le bilan comptable ne sont plus exigés.
Le ministère des Finances renonce, quant à lui, à imposer l’usage du chèque bancaire, à partir du 31 mars prochain, pour toute transaction commerciale d’une valeur égale ou supérieure à 500 000 DA. Mieux encore, les marchés informels sont désormais tolérés en attendant leur intégration dans le circuit formel.
Dimanche dernier, le ministre du Commerce, Mustapha Benbada, a annoncé que le gouvernement concède une nouvelle faveur pour les commerçants grossistes. Ces derniers sont assurés contre “d’éventuels redressements fiscaux sur les périodes antérieures à une utilisation volontaire de la facturation et des chèques”. Une démonstration de force des étudiants, d’abord, dans les campus, puis, devant le ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche scientifique, a anéanti les efforts de la tutelle à valoriser, outre mesure, les LMD au détriment des diplômes d’ingénieur d’État. Le Conseil des ministres du 22 février a abrogé, en effet, le décret présidentiel n°10-315 portant classification des diplômes, promulgué à peine deux mois plus tôt, soit le 13 décembre 2010.
La grève des gardes communaux a eu raison de la volonté du ministère de l’Intérieur et des Collectivités locales de procéder à la dissolution du corps, le 10 mars prochain. La décision est différée à la fin de l’année. Le ministre de la Santé, de la Population et de la Réforme hospitalière annonce, en grande pompe, le 27 janvier à l’APN, en marge d’une plénière consacrée aux questions orales, qu’un avant-projet de loi sanitaire contenant 500 articles sera soumis à débat aux participants à la conférence nationale sur la politique de santé et la réforme hospitalière, prévue du 3 au 5 février au Palais des nations.
Une semaine plus tard, soit durant les travaux de ladite conférence, il nie complètement l’existence de ce document. La raison ? Des praticiens de la santé et surtout des syndicats des professionnels du secteur ont dénoncé les dispositions proposées dans ce texte. Les concessions du gouvernement – et par là même de l’État – se déclinent sur de nombreux autres exemples. Il est loisible alors de penser que la société civile prend des forces, à telle enseigne qu’elle gagne, depuis quelques semaines, quasiment tous ses duels contre les autorités nationales, lesquelles craignent plus que jamais de subir les contrecoups de la pression de la rue.
Le gouvernement est ainsi victime de son incapacité à entreprendre des initiatives ou à élaborer des textes de lois ou réglementaires connectés à la réalité du terrain et, surtout, en diapason avec les aspirations des différentes catégories sociales et professionnelles. Nombreuses sont les mesures qu’il a prises pour baisser le taux de chômage, résorber la crise du logement, réduire la pauvreté, booster l’économie nationale… et qui se sont avérées inapplicables dans les faits. Au lieu de corriger les erreurs, l’Exécutif, à sa tête le chef de l’État, continue à annoncer des mesures démagogiques, voire même – pour certaines – discriminatoires.