Le gouvernement doit surveiller le climat social comme le lait sur le feu et il n’est pas interdit de penser qu’une «révision des priorités» puisse s’imposer.
2018 est une année charnière très importante pour le gouvernement, comme pour l’ensemble de la communauté économique et politique du pays. Décisive en raison de l’importante enveloppe injectée dans la dynamisation de l’économie, l’année prochaine verra une montée en puissance de la précampagne électorale pour la présidentielle de 2019. A double titre donc, l’Exécutif Ouyahia est tenu de négocier au mieux, que ce soit au plan politique ou socio-économique. Il faut dire que si le budget colossal réservé à l’équipement permettra de soutenir les investissements publics, donc la croissance, il sera compliqué de tenir les engagements du gouvernement en matière de création d’emplois et de contrôle de l’inflation. Ces deux indices macroéconomiques, souvent aléatoires et difficilement maîtrisables, pour le nombre de facteurs dont ils dépendent et qu’il est impossible de prévoir. Sur le volet de l’emploi, il y a lieu de relever que la loi de finances 2018 prévoit le non-remplacement de quatre postes de fonctionnaire sur cinq. C’est dire que le gouvernement ferme la porte du recrutement de jeunes diplômés. A supposer que cette mesure soit appliquée avec rigueur, il est clair que l’Etat, l’un des principaux employeurs, abandonnera cette fonction, ce qui impactera le taux de chômage. Il serait illusoire de croire que le secteur économique absorbera toutes les demandes d’emplois qui s’exprimeront durant l’exercice 2018. Il aurait fallu que le gouvernement fasse preuve d’un dynamisme hors du commun et lutte avec une rare efficacité contre la bureaucratie pour espérer voir les chiffres de l’emploi progresser notablement. Il est vrai qu’à bien lire les rapports des différents secteurs au niveau des wilayas, beaucoup d’investisseurs se bousculent aux portillons, mais il est tout aussi clair que le temps de maturation «administrative» de tout projet économique prend encore trop de temps.Même si le gouvernement Ouyahia affiche une nette intention de bousculer la léthargie de la bureaucratie nationale, il ne disposera raisonnablement pas d’assez de temps pour réaliser le «miracle». Il reste cependant que l’apport exceptionnel en fonds pour «exciter» la sphère économique est déjà un début de réponse, susceptible de calmer quelque peu le front social. Il faut dire à ce propos, que c’est bien là la grosse frayeur de l’Exécutif. L’une de ces missions essentielles consiste à maintenir la paix et la sérénité au sein d’une société, jusque-là épargnée par les impacts de la crise financière, mais qui peut néanmoins ressentir les premiers effets, à travers un taux de chômage des jeunes diplômés en forte hausse. Il faut savoir, d’ailleurs, que le maintien des transferts sociaux participe de cette même volonté de préserver une paix sociale chèrement acquise et qui se trouve être l’un des facteurs fondamentaux pour une sortie de crise. L’Exécutif et ses démembrements locaux devront certainement «faire la chasse» à tout blocage d’investissement, histoire d’empêcher une accumulation de freins, préjudiciable à la création d’emplois. La crise financière impose donc sa logique à tous les acteurs publics, du sommet à la base de l’Etat, en passant par les partenaires politiques qui bénéficieront de programmes communaux de développement dopés pour l’année 2018. La conjonction de tous ces facteurs parviendra à limiter un tant soit peu les effets de la baisse drastique des recrutements de fonctionnaires, mais le dire n’est pas le faire. L’effort à fournir pour parvenir à un taux de réalisation d’un pareil objectif est tellement colossal qu’il pourrait relever du «miracle».Le gouvernement n’a pas que l’emploi à surveiller. Sur le flanc social de cette année charnière, il y a l’indice des prix à la consommation. La loi de finances est calculée sur la base d’une parité du dinar face au dollar de 1 pour 130, avec un taux d’inflation prévisionnel de 5%. Tous les observateurs économiques s’accordent sur l’imprévisibilité de cet indice macroéconomique, d’autant que l’économie nationale, très dépendante dans une large mesure des importations, est sujette aux aléas des cours de devises. Plus que cela, le mode de financement de la relance de la croissance est lui-même porteur de germes d’inflation, même modérée.
En fait, le gouvernement doit surveiller le climat social comme le lait sur le feu et il n’est pas interdit de penser qu’une «révision des priorités» puisse s’imposer au risque d’aggraver les déficits, la paix sociale n’ayant pas de prix dans les circonstances que traversent le pays. Sur cette question précisément, il faut dire que les rentrées financières du pays peuvent réserver quelques bonnes surprises au gouvernement. En effet, avec un niveau des cours de l’or noir plus d’une dizaine de dollars au-dessus du prix de référence fixé à 50 dollars le baril, il y a de fortes chances pour que les déficits annoncés par le ministre des Finances soient moins importants qu’attendus. D’où une marge de manoeuvre plus intéressante pour un gouvernement, dont l’une des missions les plus cruciales est de préparer la prochaine élection présidentielle.