Le gouvernement propose et fait adopter un amendement interdisant l’importation de la friperie.
Karim Djoudi, le ministre du Commerce, justifie ladite proposition par les « moyens faibles à la disposition de l’Etat pour le contrôle sanitaire de ce genre de produit et par le souci de protéger la production locale. » Elle n’étonne personne, la première raison est que le citoyen s’en accoutume à longueur de journée. Depuis la crasse dans les hôpitaux qui fait classer l’Algérie parmi les dix pays à forte prolifération de maladies nosocomiales jusqu’à la consommation des denrées alimentaires, surtout les produits fabriqués localement, où le concept des minima d’hygiène correspond tout juste à une litote sur la saleté. Contre cent kopeks si l’on a vu dans notre pays un distributeur de fruits et légumes passer au moins à l’eau ses produits avant de les fourguer à des prix acquis trois fois inférieurs au coût de revente que le détaillant vous présentera dans des sachets polymères contenant de l’arsenic.
On ne peut pas ne pas se rappeler il y quelques années de cela lorsque le ministre de l’Environnement, Chérif Rahmani, a orchestré une espèce de miniconseil des ministres dans le but d’interdire le redoutable sachet noir vérifié par ses experts renfermant une molécule tueuse quelques semaines avant de s’envoler allègrement vers Copenhague représenter la lutte de son régime contre la pollution. Il a tenu parole, aujourd’hui il n’y a pas traître sachet noir en circulation dans les commerces !
Le second mobile motivant cette décision nous raconte le machahou révolutionnaire de la défense du produit national jusqu’à la dernière goutte de sang contre son homologue impérialiste, empêchant l’essor de l’économie locale capable de grands défis. Des flopées de plans de développement enrobés de centaines de milliards de dollars depuis le premier quadriennal de Boumediene jusqu’à la dernière bricole interministérielle dans le secteur de l’industrie impliquant les acteurs publics et particuliers pour le « redressement du produit algérien » font tout faux sur le terrain réel de l’offre et de la demande. A ce point de lâcheté dans les aptitudes industrieuses que la majorité des anciens fabricants réinvestit carrément dans l’importation ou dans les créneaux moins pénibles dans les services ou le business hors du cadre du registre de commerce, parfois même ouvertement dans le banditisme.
Un vieil ami, longtemps perdu de vue, me raconte sa reconversion. Il faisait parte d’une famille algéroise réputée dans la maroquinerie mais surtout dans la création de chaussures. Je l’écoute qui dit : « Tous les composants de la matière première actuellement ne sont pus fabriqués localement et ils coûtent très chers ainsi importés ; même si je vends mon produit fini sans dégager des bénéfices je n’ai aucune chance devant les chaussures importées du Sud-Est asiatique, j’ai donc arrêté de bosser pour le drapeau et je me suis dirigé vers le plus porteur pour continuer à faire vivre la famille, je me suis alors engouffré dans une affaire d’anciens de la confection dans l’importation vestimentaire. » Il ajoute bien « point final » à la fin.
Cette explication est valable pour maints anciens opérateurs dans les volets de la demande domestique où la cherté des matières de base et des intrants n’incite désormais plus à rester dans le métier. Mais le paradoxe est que les investisseurs qui veulent tenter le coup justement dans ce secteur primordial se font-ils tout au début décourager par les multiples blocages administratifs « parrainés » au travers de textes de loi et de réglementation quasiment répressifs induisant la plupart des opérateurs nationaux vers les crédits à l’importation, synonyme de grandes perspectives de malversation tous azimuts.
Mais pourquoi donc, par tous les diables, interdire ce modèle de consommation fort compatible avec l’ensemble du pouvoir d’achat algérien ? Cette fois contre mille kopeks, si Kamel Djoudi daigne démener une petite enquête auprès des citoyens de la classe moyenne, et si tant qu’elle existe, que maints cadres de la nation ne s’approvisionnent-ils pas régulièrement, au moins depuis l’Alliance présidentielle et l’arrivée en puissance des banques étrangères, dans cette brave catégorie de magasins.
Allez-y voir dans quelle condition il se fabrique le lait que consomment les futurs électeurs de la prochaine fourberie printanière du système ; faites-vous éclairer par des amis chimistes, s’il en est, sur la nature des additifs, qui accompagnent les aliments quotidiens de survie qu’ingurgitent les enfants des contribuables quand il faut casquer un smig pour les habiller shopping Karim Djoudi. Les brigands de Zighout-Youcef qui viennent de voter ce texte indicible, qu’un minimum de dignité doit éviter de donner de nom, après s’être frottés les mains sur un bonus de trois cents millions chacun – que seul le diable comprend pour quel service rendu à la nation – en oubliant toutes les trahisons sur le pays tapées des mains, pour celle-là seulement, comme un cadeau de départ déposé dans la penderie du sinistre hémicycle, elle donne vraiment honte d’être algérien.
Nadir Bacha