Le gouvernement et le casse-tête des transferts sociaux

Le gouvernement et le casse-tête des transferts sociaux

Il n’est pas sûr que les prix du pétrole seront maintenus à 100 dollars pendant longtemps.

L’idée était déjà abordée par l’ancien ministre des Finances, Mourad Benachenhou, lorsqu’il appelait en 2004 à ce que les citoyens soient moins pris en charge par l’Etat en comptant plus sur leurs revenus. La question reviendra cette année sur la table, à l’occasion de l’élaboration du projet de loi de finances 2012 et de la tenue de la tripartite.

Plus de 10 milliards de dollars sont dépensés chaque année pour aider les couches fragiles. Mais pour combien de temps encore? Au début de l’année, il a été signalé que le PIB par habitant en Algérie est passé de 1801 dollars en 2000 à 5021 dollars en 2008. Durant la même période, les transferts sociaux de l’Etat ont grimpé de 245 milliards de dinars en 1999 à 460 milliards en 2005 pour dépasser les 1200 milliards de dinars (15 milliards de dollars) en 2011.

L’Etat se consacre au soutien à l’habitat, aux familles, aux retraites, à la santé et aux moudjahidine, aux démunis et aux autres catégories vulnérables. Il y a quelques jours, le président de la République, Abdelaziz Bouteflika, a instruit le gouvernement à l’effet de finaliser la réglementation qui permettra la prise en charge de la couverture sociale des catégories particulières. C’était à l’issue d’une réunion restreinte d’évaluation, consacrée au secteur de la sécurité sociale, en présence du ministre du Travail, Tayeb Louh. Parmi les priorités retenues par le président, figure la nécessité de préserver sur le long terme le Système national de retraite.

A cet effet, il a chargé le gouvernement de relever la part de la fiscalité pétrolière allouée au Fonds national de réserves des retraites.

Le Président Bouteflika a, en outre, instruit le gouvernement de mettre à profit le processus de réforme engagé pour une meilleure organisation et une meilleure gestion de la sécurité sociale et d’anticiper tout déséquilibre financier.

Selon le chef de l’Etat, c’est cette approche qui permettra de sauvegarder les acquis sociaux et la politique de solidarité du pays, y compris au bénéfice des générations futures. Il estime que cela requiert un engagement de tous les acteurs du système de santé et des partenaires sociaux qui doivent se saisir de toutes les opportunités que leur offre l’élargissement du dialogue social pour être à la hauteur des ambitions du pays. L’une de ses autres ambitions est d’élargir les opportunités de création d’emploi à travers les nouveaux dispositifs adoptés lors du Conseil des ministres de février dernier.

Tous ces objectifs ne sont pas sans connaître quelques contraintes. Elles sont issues essentiellement, de celles induites par le contexte international. Car si les prix soutenus du pétrole ont permis de mettre fin à de nombreux déséquilibres, il n’est pas sûr que cette embellie se poursuivra indéfiniment. Rien ne garantit que le pétrole se vendra sur le marché international pendant de longues années encore à 100 dollars.

Le ministre des Finances, Karim Djoudi, a averti, lorsqu’il était auditionné par le Président, que les caisses de l’Etat peuvent supporter tous les investissements et les dépenses sociales jusqu’en 2014. Au-delà, il faudrait retrousser les manches. Le financement du plan quinquennal d’investissement public 2010-2014 est garanti à moyen terme à la faveur d’un cumul conséquent de l’épargne publique de 120.000 milliards de dinars par an, avait-il dit, quelques jours plus tard. A moyen terme, les risques de financement du programme sont acceptables, mais personne ne sait comment la situation peut évoluer à long terme, avait-il ajouté.

«A ce moment-là, il faudrait envisager d’autres choix en matière de politique économique», a-t-il affirmé. L’aisance financière actuelle garantira le financement du plan quinquennal de 286 milliards de dollars, a-t-il assuré.

Ce sont les réserves de change de l’Algérie de plus de 160 milliards de dollars qui permettent de garantir à l’Algérie d’éviter les crises sociales aiguës puisque les importations ne risquent pas d’être interrompues de sitôt. Elles sont de 40 milliards de dollars par an. L’estimation du gouvernement est que ce montant est déjà assez élevé. Aider les catégories vulnérables et assurer la disponibilité des produits de consommation sur le marché provoquent une pression croissante sur les finances de l’Etat. Ce même Etat qui veut faire en sorte que les opérateurs économiques deviennent le relais de la croissance tirée par la dépense publique. L’impasse que traverse l’économie mondiale aura un impact sur l’économie algérienne car la baisse de la demande sur les produits énergétiques peut engendrer une situation intenable dont les catégories les plus vulnérables seront les premières à en faire les frais.