Le gouvernement et le patronat privé renouent les fils du dialogue après une période caractérisée par des tensions. Quelques mesures scellent un premier accord. Mais toutes les divergences ne sont pas encore surmontées.
Ahmed Ouyahia
Une tripartite regroupant le gouvernement, les organisations patronales privées et publiques ainsi que l’unique centrale syndicale du pays s’est tenue le 28 mai 2011 à Alger.
Axée sur l’entreprise, cette rencontre décidée par le président Abdelaziz Bouteflika intervient dans un contexte délicat marqué par le tremblement de terre politique qui secoue toute la région, une situation économique contrastée (excellente santé financière du pays et caractère élevé des investissements mais taux de croissance médiocre) et une contestation sociale de grande ampleur.
Sortir de la confrontation
Pour faire face à ces importants défis, les autorités ont décidé d’engager une concertation avec le patronat. Depuis quelques années, les relations entre les deux partenaires évoluent en dents de scie.
Le patronat n’a pas vraiment adhéré au «tournant patriotique» inauguré par la loi de Finances 2009.
Certaines de ses organisations les plus influentes, à l’instar du Forum des chefs d’entreprises ( FCE ), ont au contraire vivement contesté les mesures phares de cette politique. En particulier, l’instauration du Crédit documentaire (Crédoc) comme unique mode de paiement des opérations de commerce extérieur ou la règle des 51-49% de parts au profit des entreprises algériennes dans les investissements réalisés en partenariat avec des sociétés étrangères.
A la suite de cette offensive, les entreprises publiques ont claqué la porte du FCE, sous l’impulsion du gouvernement affirment les entrepreneurs privés.
Le FCE invité pour la première fois
La tripartite du 28 mai 2011 visait donc à calmer le jeu, à sérier les problèmes rencontrés par les entrepreneurs et investisseurs et à prendre des mesures visant à améliorer le climat des affaires jugé assez médiocre selon un rapport de la Banque mondiale qui classe l’Algérie à la 136e place sur 183 pays. L’invitation, pour la première fois, du FCE aux travaux de la tripartite constitue un important geste du gouvernement.
Les opérateurs privés, venus en ordre dispersé, insistent sur la nécessité d’établir un climat de confiance avec les pouvoirs publics. Ils réclament notamment une meilleure visibilité par la stabilisation du cadre législatif et réglementaire. Ils prônent également l’instauration d’un cadre de dialogue et de concertation ainsi que la mise sur le même pied d’égalité du secteur public et du secteur privé.
Unique représentant des salariés, en l’absence des dynamiques syndicats autonomes encore dispersés, l’Union générale des travailleurs algériens propose la relance du crédit à la consommation abrogé voici deux années et la création de grandes surfaces de distribution. Ces deux mesures devront cependant être réservées aux produits locaux et non aux marchandises étrangères.
Le gouvernement reste ferme sur la règle du 51-49% en indiquant qu’elle était comprise et acceptée par les partenaires étrangers.
Le Crédoc allégé
La tripartite adopte quatre mesures. La première réside dans l’allègement du Crédoc. Désormais, les entreprises pourront utiliser la remise documentaire voire même utiliser le transfert libre à hauteur de 4M de dinars algériens soit 38 500€ (contre 2 anciennement) pour leurs importations de biens d’équipements, de matières premières et d’intrants non destinés à la revente en l’état.
La tripartite décide du rééchelonnement de la dette fiscale des PME et du paiement différé de la dette bancaire. Enfin les taux d’intérêts bancaires des PME seront bonifiés pour les projets d’investissements, le Trésor public prenant en charge 2% des 5,5% des taux d’intérêts revenant aux banques.
Des groupes de travail vont plancher sur de multiples questions : climat des affaires, fonctionnement de l’administration, emploi, formation…
Il reste à savoir quelle sera la réaction des forces sociales «représentées» par les participants à la tripartite : les patrons privés dont certains critiquent déjà les résultats de la rencontre, les salariés dont les mouvements de contestation ne faiblissent pas et l’administration, qualifiée de bureaucratique par les employeurs, mais qui est chargée d’appliquer les textes et accords sur le terrain.