L’assassinat du général Younès induit une nouvelle donne dans la crise libyenne
La liquidation physique, jeudi, du leader charismatique de l’insurrection libyenne est annonciatrice d’une lutte sans merci pour le leadership au sein du Conseil de transition libyen.
La popularité du général Abdelfatah Younès faisait-elle de l’ombre à Mustapha Abdel Jalil, le président du CNT? C’est une des hypothèses parmi les plus vraisemblables qui peut être retenue en ce qui concerve cette disparition violente d’un des opposants les plus en vue au colonel Mouamar El Gueddafi depuis son ralliement à la rébellion libyenne le 22 février 2011, soit à peine une semaine après le déclenchement des hostilités. D’autant plus que cet événement inattendu a eu lieu dans le haut lieu de l’insurrection libyenne. L’ex numéro deux du régime libyen est-il tombé dans un guet-apens? Tout, porte à le croire. Selon le président du Conseil national de transition, Mustapha Abdel Jalil – qui avait démenti une première fois cette disparition le 27 juillet – Abdelfatah Younès aurait été tué par des assaillants après avoir été rappelé, du front Est à Brega jeudi matin, pour un interrogatoire à Benghazi, la capitale de l’insurrection libyenne. Moustapha Abdel Jalil a ajouté que «deux de ses compagnons, le colonel Mohamed Khamis et le commandant Nasser Madhour», avaient également été tués dans l’attaque. Les tueurs ont emporté les trois corps de leurs victimes, selon les déclarations du président du CNT.
Le chef du groupe, qui a mené cette opération a été arrêté. La rébellion libyenne s’est empressée d’y voir et de désigner la main du dirigeant de la Jamahiriya libyenne. «L’intervention d’El Gueddafi est très claire dans cette affaire», a déclaré hier un haut responsable de l’insurrection qui a choisi de s’exprimer sous le couvert de l’anonymat. Ce qui accélérerait la course à la prise du pouvoir entre les différentes tendances qui sont représentées à l’intérieur du CNT. Abdelfatah Younès serait-il devenu gênant? Des rumeurs ont effectivement circulé sur des contacts présumés du chef militaire de la rébellion libyenne avec Tripoli pour une sortie de crise négociée et une issue politique au conflit libyen. Une option défendue par une partie des rebelles qui sont contre les raids menés par l’Otan et à leur tête la France qui est une des puissances alliés d’Israël. L’écrivain français Bernard-Henri Lévy avait indiqué au mois de juin qu’il avait transmis un message du Conseil national de transition (CNT), au Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu lors d’une rencontre à Jérusalem-Ouest. «J’ai communiqué au Premier ministre un message verbal de ce Conseil, dont le point essentiel est que le futur régime libyen sera un régime modéré et antiterroriste, qui aura le souci de la justice pour les Palestiniens et de la sécurité pour Israël». Ce message indiquait que: «le futur régime libyen entretiendra des relations normales avec les autres pays démocratiques, y compris avec Israël». Des révélations qui ont choqué la plupart des pays arabes et qui ont jeté le doute sur les véritables intentions des chefs de la rébellion libyenne soupçonnés d’être, particulièrement à la merci des services secrets français et occidentaux en général. Les circonstances obscures de l’élimination de Abdelfatah Younès risquent dans tous les cas de redonner un nouveau souffle aux forces demeurées loyales au colonel El Gueddafi et surtout mettre au grand jour de profondes divisions au sein de la rébellion. La mort du général Younès, «est révélatrice de schismes qui apparaissent ces derniers mois au sein du CNT (…) On pourrait assister aux exemples les plus extrêmes de ces divisions entre les anciens membres du régime et les pionniers de la rébellion», a estimé Geoff Porter, du cabinet de consultants North Africa Risk. Cette nouvelle donne de la crise libyenne enlèverait toute crédibilité aux intentions démocratiques affichées par le CNT et qui ont déroulé le tapis rouge à l’intervention militaire pilotée par la France pour chasser El Gueddafi.