Le général Khaled Nezzar lave l’honneur de l’armée algérienne sur le dos de Hocine Ait Ahmed

Le général Khaled Nezzar lave l’honneur de l’armée algérienne sur le dos de Hocine Ait Ahmed

Fallait-il que Khaled Nezzar, ancien ministre de la Défense, 74 ans, manquât à ce point d’arguments pour accuser Hocine Ait Ahmed, président du FFS, d’avoir commis des « carnages » lors de la guerre civile qui a ensanglanté l’Algérie durant les années 1990 ? On savait que les deux hommes se vouent une haine, sinon une inimité, depuis janvier 1992 date de la rupture du processus électoral suite à la victoire des islamistes aux législatives de décembre 1991.

On savait aussi que Hocine Ait Ahmed, 85 ans, fondateur du FFS (Front des forces socialistes), installé à Lausanne, en Suisse, depuis plusieurs années, a accusé à maintes reprise l’armée algérienne d’avoir provoqué un Coup d’Etat le 11 janvier 1992.

On savait également que le chef du FFS avait témoigné contre Khaled Nezzar, en juillet 2002 à Paris, lors du procès qui avait opposé le général à la retraite à Habib Souaidia, déserteur de l’armée et auteur du livre « La Sale guerre ».

Ce jour, là, les yeux dans les yeux, Nezzar et Ait Ahmed avaient eu une explication franche, dure, mais une explication entre « gentlemen ».

« M. Khaled Nezzar, vous avez fait le coup d’Etat ! La façon dont tout ça c’est déroulé, c’était un vrai coup d’Etat. Et c’était une catastrophe (…) Nous nous sommes vus avant l’interruption du processus électoral et je vous ai conseillé de le poursuivre, ce que vous m’aviez promis en me donnant votre parole », témoigna à l’époque Hocine Ait Ahmed.

Réplique du général : « C’est vrai que je vous ai rencontré, mais entre nous il y a un écart… ».

« Un fleuve de sang ! », répondit ce jour-là Hocine Ait Ahmed.

Depuis ce mois de juillet 2002, on était donc resté à ce fleuve de sang qui sépare Ait Ahmed et Khaled Nezzar.

Mais les propos tenus contre Hocine Ait Ahmed par l’ancien ministre de la défense lors de son audition vendredi 21 octobre 2011 devant les juges suisses dans le cadre d’une plainte pour « suspicions de crimes de guerre » est plus qu’un écart de langage. Une mise en accusation grave.

Khaled Nezzar : « On veut faire croire que c’était les autorités qui étaient responsables. Si il y a eu des dépassements de la part des autorités, ça ne pouvait être que des dépassements d’individus isolés, qui, une fois portés à la connaissance de l’autorité, étaient sanctionnés. Tous les autres carnages sont le fait d’éléments du FIS, qui eux, ne sont pas sanctionnés. J’ajoute même qu’un de ces éléments se trouve en Suisse, à savoir Mr Ait Ahmed. »

Le président du FFS responsable des carnages commis en Algérie durant la décennie rouge ? Le plus vieux parti d’opposition responsable des tueries qui ont fait plus de 100 000 victimes en Algérie ? Alors donc, général !

On peut tout reprocher au FFS. D’avoir dénoncé le coup d’Etat de janvier 1992, d’avoir soutenu les islamistes vaille que vaille, d’avoir signé le contrat de Rome en 1995, ce pacte qui entendait remettre en scelle le FIS, dissous en 1992, d’avoir critiqué et de continuer encore de critiquer la « junte militaire » en Algérie.

On peut tout aussi reprocher à Hocine Ait Ahmed d’avoir choisi l’exil à Lausanne plutôt que de mener son combat politique en Algérie.

On peut reprocher beaucoup de choses à ce parti et à son président si tant qu’il est possible de faire des reproches et des critiques à un parti d’opposition et à un opposant au pouvoir.

Mais on ne peut accuser le président du FFS d’être responsable des tueries commises en Algérie. On ne peut pas mettre sur le compte du vieux parti, sur le dos de Hocine Ait Ahmed, ces carnages et ces massacres qui ont ensanglanté l’Algérie depuis 1992.

Il est tout de même surprenant que le général à la retraite dénonce ceux qui imputent les massacres en Algérie à l’armée, en usant de la formule « qui tue qui », alors que lui-même endosse aujourd’hui la responsabilité de ces tueries au président du FFS.

On sait Khaled Nezzar erratique, fort-en gueule, parfois braillard et bouillant.

On sait aussi que l’ex-ministre de la Défense est chatouilleux lorsqu’il s’agit de défendre l’honneur de l’armée algérienne et de défendre son image, quitte à aller devant un tribunal de France pour se faire justice.

Mais l’honneur, l’image, de cette armée ne peut s’accommoder d’accusations farfelues.