Le drame des enfants nés sous X

Le drame des enfants nés sous X
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Naître sous X dans une société conservatrice n’est pas chose aisée, tant pour l’enfant que pour la mère. Cette dernière est répudiée et pointée du doigt, l’enfant écope de l’appellation de « bâtard » et est marginalisé  à vie.

En Algérie, des centaines voir des milliers de cas sont enregistrés. Leurs histoires sont différentes mais versent toutes dans le même confluent, une irréversible descente aux enfers. Des femmes algériennes racontent leur vie brisée, faite de larmes et de chagrin, mais surtout de désespoir, tous les horizons étant bouchés. Du moins pour l’instant. « Baya S », jeune mère célibataire, âgée d’une trentaine d’années, nous relate le drame quotidien que subit son fils de 9 ans né hors mariage. Cette « mère célibataire » travaillant comme femme de ménage à l’hôpital Mustapha Pacha, s’est amouraché du frère de sa belle sœur (épouse de son frère), et transcende la barrière de la légitimité avec lui.

Neuf mois plus tard, Walid voit le jour, mais sous l’appellation peu glorieuse d’ « enfant né sous X ». La jeune maman est reniée par sa famille, le père refuse de reconnaître son fils, sa vie bascule. Ayant atteint l’âge de la scolarisation, l’enfant joint la route de l’école mais pas pour longtemps, en raison des sarcasmes que lui lancent ses camarades. Enfin, ma-nière de parler parce qu’il a un père, du moins un géniteur, mais qui refuse de le reconnaître. Un refus justifié par l’illégitimité condamnée par la loi et par la religion.

Un autre cas de non scolarisation, celui de sept frères et sœurs, dont quatre d’entre eux sont issus de pères différents, vivant à  la cité Fougeroux à Chevalley. Après le décès de leur mère, ces enfants innocents ont été livrés à eux-mêmes et défient ainsi quotidiennement les durs aléas de la vie. Maroua, Ramy, Mohamed, Bilal, Fatima Zohra, Hamza et Chems Eddine habitent la cave d’un bâtiment qui se trouve à Chevalley, au milieu des ras et des cafards. Ils font face au froid glacial de l’hiver et à la canicule de l’été, mais surtout et avant tout, seuls contre tous face à l’insécurité dans un monde sans pitié. Les sept enfants sont sans logis, sans nourriture et analphabètes.

LG Algérie

Une directrice d’une école primaire a suivi les trois plus jeunes des sept enfants précités, trouvant louche que des enfants sillonnent les rues au moment des cours. Curieuse, la directrice les a suivi jusqu’à chez eux, abasourdie devant l’état lamentable de leur demeure. La directrice a ensuite averti l’Union Nationale des Parents d’Elèves, afin de prendre  en charge ce cas social, unique en son genre, compte tenu de la profondeur de leur misère.

En s’y rendant, le frère aîné ne s’est pas pris du dos de la cuillère pour les chasser. En insistant, ils réussissent à scolariser trois d’entre eux, ceux issus d’un mariage légal. Les autres enfants nés sous X, n’ont pas eu cette chance puisqu’ils n’ont pas d’identité. Fatma Zohra a, quant à elle, arrêté ses études afin de prendre soin de ses frères et sœurs.

Selon la Fondation Nationale pour la Promotion de la santé et le Développement de la Recherche (Forem), le nombre d’enfants nés sous X oscille entre 3 000 et 5 000 enfants chaque année en Algérie. Les enfants nés hors mariage subissent les conséquences des erreurs faites par les parents, notamment les pères qui refusent leur paternité, vu l’aspect tabou du phénomène au sein de la société algérienne.

Parmi les retombées désastreuses  de l’abandon de ces enfants, la non scolarisation de ces derniers parce qu’ils ne sont pas inscrits à l’état civil.  Nés de père et de mère algériens, auront-ils un jour, droit dans leur propre pays ?

Par Kahina Sameur