Est-il vraiment nécessaire d’aménager des voies express et de réaliser des autoroutes à coups de milliards de dinars si, au final, il faut mettre une éternité pour parcourir un petit tronçon ? La question se pose avec acuité au vu de ce que les automobilistes endurent sur la route, plus particulièrement à l’entrée de la capitale, en cette fin juillet. La police explique qu’il «est dans l’intérêt du citoyen qu’il en soit ainsi».
On ne se rend plus à Alger avec gaieté de cœur. Surtout si l’on vient de la Kabylie ou des wilayas de l’est du pays. Les nerfs sont mis à rude épreuve avant même de se mettre en route. L’on sait de prime à bord qu’on suera à grosses gouttelettes, paralysé dans les interminables embouteillages inévitables. Le calvaire commence depuis Boudouaou où la Gendarmerie nationale a érigé un barrage de contrôle routier. Si, par miracle, ce premier obstacle est franchi sans désagréments majeurs, l’on est vite rattrapé par l’épreuve routière. On ne franchit pas aisément l’imposant point de contrôle routier érigé par les mêmes uniformes à Réghaïa ou rarement durant le week-end. La police prend le relais en zones urbaines. D’abord au niveau de la cité des Bananiers, puis à l’entrée de la route moutonnière. Sur la voie express allant de Dar El Beida vers Ben Aknoun, on a rendez-vous forcément avec deux barrages de contrôle routier, les gendarmes d’abord au niveau de la bretelle de Baraki et, ensuite, les policiers, à moins de deux kilomètres, soit au niveau de la bretelle d’El Harrach. La multiplication de ces points de contrôle routier, dicté certainement par l’impératif sécuritaire, a induit des embouteillages à longueur d’année. A tel point d’ailleurs que ça a inspiré une émission radiophonique intitulée justement «embouteillages ». Ceux qui pensaient que la fluidité de la circulation automobile allait reprendre ses droits avec l’avènement des grandes vacances ont eu tout le loisir de déchanter. La situation sur les routes aux abords de la capitale a empiré d’un cran supplémentaire. Le pic a été atteint le dimanche 24 juillet. En effet, faire une dizaine de kilomètre relevait du véritable parcours du combattant. Les infortunés usagers qui venaient de Bab- Ezzouar et «roulaient» vers le centre d’Alger ont mis près de trois heures à parcourir ce tronçon alors qu’habituellement, il ne leur prenait qu’environ 20 minutes. Au niveau des barrages routiers des bananiers et d’El Hamma, les policiers ont procédé au rétrécissement à une seule les voies de circulation aux fins de contrôle. Ce filtre, si l’on ose l’expression, a créé un embouteillage monstre. Rouler au rythme de l’escargot, pare-choc contre pare-choc donne des crampes au pied, met les nerfs en boules. Les sourires, ce jour-là, ont déserté les visages des automobilistes. Que de rendez-vous ratés, de retards au boulot ont été enregistrés ce jour-là. Mais à qui se plaindre ? Paraît-il, ces derniers temps, les services de sécurité ont entrepris de tester un dispositif spécial Ramadan. Il va sans dire que pareille opération n’est habituellement pas accompagnée d’annonce préalable. Faute d’avoir été avertis, les automobilistes ont eu tout le temps de supputer, à voix haute pour ceux qui avaient des accompagnateurs et in petto pour ceux qui ont affronté l’épreuve en solitaire. «Il planerait sur Alger une menace sécuritaire», diront les plus prompts à dégainer l’argument sécuritaire. «C’est simplement une méprise à l’endroit du citoyen», diront d’autres qui ne semblent pas persuadés par l’argument sécuritaire. L’explication viendra de la police. Contacté, le commissaire principal au niveau du service de la sécurité publique de la direction générale de la Sûreté nationale (DGSN), Saâdi Madjid, explique : «Il s’agit d’un dispositif spécial pour la saison estivale qui coïncide, cette année, avec le mois de Ramadan et l’arrivée massive de la Communauté nationale établie à l’étranger. Nous avons donc multiplié les patrouilles pédestres et motorisées, en adaptant le cycle de travail de la police de la circulation routière aux créneaux horaires, enregistrant un important trafic routier, en vue d’assurer la fluidité et la sécurité des usagers, notamment sur les axes routiers comptabilisant un grand nombre d’accidents.» La sécurité, peut-être mais la fluidité c’est franchement raté. Interrogé sur les désagréments occasionnés aux automobilistes par ce dispositif spécial, le commissaire dira : «Il est dans l’intérêt du citoyen qu’il en soit ainsi» ou encore «il vaut mieux vivre des embouteillages qu’une situation d’insécurité.»
M. M.