Le directeur du théâtre national algérien n’est plus, M’hamed Benguettaf rejoint Kaki et Bachtarzi

Le directeur du théâtre national algérien n’est plus, M’hamed Benguettaf rejoint Kaki et Bachtarzi

Le 4e art algérien orphelin

Lors d’un hommage que l’association culturelle et artistique Troisième millénaire lui a rendu en 2010, le dramaturge a qualifié son parcours artistique de «modeste» bien qu’il ait consacré 46 ans de sa vie au 4e art.

Le monde du 4e art est en deuil et pour cause, le directeur du Théâtre national algérien (TNA) et célèbre dramaturge M’hamed Benguettaf est décédé dimanche soir à Alger à l’âge de 75 ans succombant aux affres d’une longue maladie ce qui le poussera à mettre ces derniers temps, son travail au TNA en désignant un successeur à sa place. Né le 20 décembre 1939 à Hussein Dey (Alger), M’hamed Benguettaf a étudié à la medersa de Constantine. Il intègre la Radio algérienne en 1963 avant de se lancer dans le 4e art en tant qu’auteur et adaptateur au Théâtre national algérien entre 1966 et 1989. En 1990, il fonde la compagnie Masrah El Kalaâ (Théâtre de la Citadelle) avec le dramaturge Ziani Chérif Ayad avant de diriger le Théâtre national Mahieddine-Bachtarzi à partir de 2003. Auteur d’une quinzaine de pièces de théâtre comme Djeha et les gens (1980), Arrêt fixe (1995) ou encore Fatma, le bruit des autres (1998), M’hamed Benguettaf s’était également illustré en tant que comédien en interprétant des rôles dans des oeuvres de dramaturges algériens (Kateb Yacine, Ould Abderrahmane Kaki,…) ou du répertoire universel comme Shakespeare, Molière ou Brecht. Il adaptera également aux tréteaux les textes adaptateurs de Nazim Hikmet, Ali Salem, Mahmoud Diab ou Ray Bradbury. Figure marquante du théâtre algérien, d’abord comme comédien, M’hamed Benguettaf a travaillé pour la radio puis a passé une grande partie de sa carrière au Théâtre national algérien, avant de figurer parmi les fondateurs de la compagnie Masrah El Kalaâ. Lors d’un hommage que l’association culturelle et artistique Troisième millénaire lui a rendu en 2010, le dramaturge a qualifié son parcours artistique de «modeste» bien qu’il ait consacré 46 ans de sa vie au 4e art comme comédien, acteur, écrivain et réalisateur avant de prendre la direction du TNA, ajoutant que «le théâtre a été une école» pour lui. Lors d’un autre hommage que lui a consacré Tizi Ouzou M.Ould Ali El Hadi, directeur de la culture de la wilaya de Tizi Ouzou soulignera: «Les efforts continuels de Benguettaf dans la promotion de l’activité théâtrale». En effet de par son statut de directeur du Théâtre national algérien Mahieddine Bachtarzi, M.Benguettazf avait lancé, il y a quelques années, la promotion des théâtres régionaux qui présentaient leurs travaux chaque première et dernière semaine du mois. Une façon dit-on «d’encourager les expériences d’avant-garde théâtrales et donner aussi plus d’attrait à ce noble art». Mais amoureux du 4e art, il ne cessait de créer quand le temps le lui permettait. C’est ainsi qu’il mettra en chantier Don Quichotte, l’homme qui n’y était pour rien, écrite par ses soins et qui fut traduite par Mohamed Boukrasse et mise en scène par Chawki Bouzid. Résumant sa passion indéfectible pour le théâtre, Abdenour Haouchiche, président de l’association Project heurts (Les douzièmes rencontres cinématographiques de Béjaïa auront lieu du 31 mai au 6 juin 2014 Ndlr) dira brièvement que «Benguettaf pour moi c’est Masrah El Kala, avec Ziani, Sonia et Medjoubi et leur pièce El Ayta, c’est aussi la voix sur un des documentaires de Azzedine Meddour..» De son côté le comédien décalé, Idir Benaïbouche, a tenu à rendre hommage surtout «au bon comédien» qu’était Benguettaf. Très affecté par la disparition de ce «compagnon de route», Dris Chekrouni, comédien et directeur artistique au TNA, a estimé que c’est «une partie de la mémoire du théâtre algérien qui disparaît» avec la mort de Benguettaf.. De son côté, le directeur technique du TNA, Abdelkrim Lahbib, a qualifié M’hamed Benguettaf de «locomotive» du théâtre algérien, et qui lui a permis de rayonner, particulièrement dans les années 1980, a-t-il estimé. Le directeur de la communication du TNA, Fethelnour Benbrahim, a salué, pour sa part «l’homme de principes et le gestionnaire» du Théâtre national algérien qui a su, dit-il, apporter «un nouveau souffle» à cette institution depuis 2003, en favorisant notamment, «l’émergence des jeunes talents». Il citera l’exemple des Journées du théâtre du Sud, une manifestation qui offre, depuis sa création en 2007, un espace d’expression à des comédiens, auteurs et metteurs en scène des régions du Sud de l’Algérie (Tamanrasset, Adrar, Ouargla, etc.). Tout en déplorant la perte d’un «autre pan de l’histoire du théâtre algérien» qui a «côtoyé les plus grands pour devenir lui-même un grand», le journaliste et auteur Bouziane Benachour a rappelé l’apport «important» du défunt au théâtre radiophonique à travers son travail à la Radio nationale à partir de 1963. Ce rôle s’est également manifesté sur les planches du TNA à partir de 1966, rappelle M.Benachour, en évoquant le comédien et surtout l’auteur porteur d’un «nouveau courant» dans le théâtre à travers des créations en arabe algérien, «puisées dans les profondeurs» de la société. Enfin, dans un message de condoléances diffusé lundi dernier, la ministre a fait part de son «immense tristesse» devant la perte d’un homme «lettré et inspiré» qui, rappelle-t-elle, a «voué sa vie aux arts et métiers de la scène» comme comédien, auteur et metteur en scène dans les répertoires national, arabe, africain et universel. Pour Khalida Toumi, la famille du théâtre «se souviendra de ce qu’elle doit» à M’hamed Benguettaf qui a, dit-elle, offert au public algérien «pendant près d’un demi-siècle, beauté, connaissance et émotion «en écrivant interprétant, adaptant ou traduisant plus de 80 pièces de théâtre.»