Le Dinar a-t-il gagné 13% face à l’Euro ?

Le Dinar a-t-il gagné 13% face à l’Euro ?

Une rumeur est apparue au début de cette semaine sur les réseaux sociaux faisant part d’une augmentation considérable de +13% de la valeur de la monnaie nationale face à l’Euro dans la cotation officielle. Très largement partagée et diffusée, peu de personnes ont réellement pris le temps d’analyse cette information sans source, dont les conséquences auraient pu être énormes pour l’économie nationale.

Autre le fait qu’elle soit de source anonyme, cette information présente plusieurs failles qu’on essaiera de débunker point par point dans le présent écrit. Mais avant cela, on doit réitérer l’appel aux citoyens de cesser de s’informer sur les réseaux sociaux, car souvent, les personnes qui y écrivent et partagent du contenu ne sont pas expertes en la matière, et de ce fait, écrivent et agissent souvent par ignorance ou par populisme. Même si les médias dits traditionnels sont loin d’être vierges de tout biais, ils restent tout de même plus sérieux en matière de diffusion de l’information.

Un problème de période

Tout d’abord, parler d’une augmentation ou d’une baisse de cotation d’une devise ne peut que se faire par rapport à une période bien définie. Parler d’une augmentation de 13% sans citer la date de référence peut à lui seul discréditer l’information, et celui qui la diffuse par la même occasion.

La source officielle

En matière de cotation du dinar, le seul et unique organisme crédité à en parler est la Banque d’Algérie, cela ne signifie aucunement que les cotations qu’on trouve sur internet sont fausses, on ne fait que penser que lors d’une situation de confusion pareille, il faut toujours se référer à la source des sources, chose que peu d’internautes font malheureusement, ce qui les rend d’autant plus susceptibles à la manipulation et au populisme.

Qu’en dit la BA ?

Heureusement pour nous, la Banque d’Algérie met à jour de manière quotidienne la section de son site web destinée à communiquer le taux de change officiel du dinar par rapport aux devises utilisées par les principaux partenaires économiques du pays. On y retrouve clairement indiqué que le taux de change est de 135 DZD (Dinar algérien) pour 1€. Un petit calcul arithmétique voudrait que la valeur initiale de la devise nationale ait été de 152,55 DA pour 1€ avant que sa valeur n’augmente à 135 DA, un seul qui n’a évidemment JAMAIS été franchi par devise nationale.

Un graphique mal interprété

Graphique montrant l’évolution du cours du DZD dans les 30 derniers jours

En demandant la courbe du taux officiel du Dinar algérien au moteur de recherche de Google, on peut facilement obtenir une courbe pareille. C’est d’ailleurs une version de cette même courbe qui a été largement partagée en guise d’appui à cette information qu’on tente ici de démystifier.

S’étalant sur la période d’un mois, si ce graphique montre quelque chose, c’est bien une dévaluation en deux temps du dinar, une baisse qui semble se stabiliser tout de même dans les 2-3 derniers jours. Il ne faut pas être mathématicien pour comprendre que quand cette même courbe augmente, c’est naturellement la valeur du dinar qui dégringole. En effet, la courbe étant la quantité de dinars qu’il faudra débourser en échange d’1€, un graphique ascendant signifie donc naturellement que la monnaie perd de sa valeur face à sa concurrence.

L’origine du fantasme

On se doute bien que dans le cadre de chamboulement que vit le pays dans ces derniers mois, on puisse être tenté par croire que la cotation de la monnaie nationale est dépendante d’une simple décision gouvernementale, et que suite aux récents changements annoncés à la tête de nombreux agents économiques du pays, le dinar s’en retrouverait naturellement bénéficiaire. Loin de là, l’économie nationale reste toujours dopée au prix du baril, et même si la BA a annoncé avoir gelé le financement non conventionnel, les 4 années de billets imprimés sans contrepartie de devises ou de production ne feront que continuer à mener la monnaie nationale vers une spirale de dévaluations et de réajustements.

Chemseddine Ananna