Bien qu’ils soient peu nombreux à y assister, les jeunes ont manifesté leur ras-le-bol d’être placés en marge de la décision et de la gestion politique du pays, lors de la rencontre de concertation sur le développement local, organisée, jeudi à Alger, par le Conseil national économique et social (Cnes).
«Tout le monde aura la parole pour s’exprimer. Mais ma priorité c’est les jeunes», a déclaré, d’emblée, le président du Conseil national économique et social (Cnes), Mohamed Seghir Babès, avant que la parole ne soit donnée aux représentants de la société civile, participant à la deuxième journée des rencontres sur le développement local.
C’est bien là le hic ! Le Palais des Nations, bien qu’il grouillât d’invités, les jeunes étaient relativement peu nombreux à prendre part à cette session consacrée, particulièrement, à l’écoute des préoccupations et des attentes de la population algéroise.
Il suffisait de balayer la salle du regard pour en établir la preuve. Les quadragénaires et plus l’emportaient sur la jeunesse. Sommes-nous devant une société civile algéroise vieillissante ? Les jeunes de la capitale ne sont-ils pas autant impliqués dans les mouvements associatifs pour qu’ils soient représentés par des femmes et des hommes dépassés par le cours naturel des événements? Ce n’est pas aussi indéniable qu’il y paraît.
Les jeunes ne demandent qu’à être écoutés, compris et responsabilisés. Et c’est vers cette visée que les rares interventions émanant de cette catégorie étaient orientées. Pis encore, le peu de jeunes qui ont pu prendre la parole, se sont montrés particulièrement virulents contre les responsables politiques et leur manière de mener la “bateau” Algérie. Une virulence qui a grandement surpris et secoué, et les organisateurs et, les autres participants. Ces jeunes ne mâchaient pas leurs mots.
Ils parlaient franc et en toute liberté et n’hésitaient pas, pour certains d’entre eux, de citer des noms de ministres et de hauts responsables qui, à leurs dires, ont traîné à la catastrophe les secteurs qu’ils dirigent. « À travers l’école, ils ont fait de nous des ruines humaines, des analphabètes trilingues, des inconscients politiques et économiques, mais, surtout, des bombes à retardement qui risquent d’exploser à tout moment dans le cas où les choses ne s’amélioreraient pas », a averti Hacène Mebtouche, organisateur de spectacles.
À ses dires, le pays est soumis, depuis son indépendance, à un processus de destruction dans tous les domaines et à chaque fois qu’il a une opportunité pour coller les morceaux, les fissures grandissent. Il est temps, poursuit-il, de changer la donne, car les choses vont du mauvais au pire. « Auparavant, l’Algérie était confrontée à la fuite des cerveaux, aujourd’hui on assiste à la fuite des corps.
C’est tout le monde qui songe à fuir le pays quels que soient leurs statuts social, professionnel ou intellectuel », regrette-t-il, avant de lancer ses flèches en direction de Khalida Toumi, ministre de la Culture, qui, selon lui, a « cadenassé le secteur en soumettant l’organisation de spectacles à des agréments » et «à dépenser des sommes colossales dans des tournées artistiques sans spectateurs ». Avec la même virulence, le représentant de l’Association « Ness El Khir », Tarek Zerrouki, a mis l’accent sur la nécessité d’impliquer les jeunes dans la prise de décisions politiques et économiques.
« À l’instar des femmes, les jeunes veulent aussi un système de quotas pour leur accorder la chance d’accéder aux postes politiques. De quoi avezvous peur des jeunes ? Ayez confiance en nous, impliquez-nous dans les processus de prise de décisions », insiste-il. Même son de cloche chez Riad Labadi, un jeune entrepreneur dans les technologies de l’information et de la communication, lorsqu’il dira que «la bonne gouvernance requiert une société civile impliquée.
Donc, il est impératif d’inclure les jeunes dans les processus de gestion et de mettre des mécanismes durables d’écoute entre les gouvernants et les gouvernés». Et d’ajouter «les jeunes sont généralement vecteurs d’idées innovantes, il ne vous suffit que de leur prêter l’oreille et leur donner confiance». En outre, la recrudescence de la violence dans la capitale a été également au centre des intervenants. «Alger est devenu comme les villes colombiennes.
La violence est récurrente de jour comme de nuit. Quelle que soit la saison ou la circonstance, les commerces se ferment à la tombée de la nuit. Ce qui fait d’elle une capitale sans aucune vie, contrairement, aux capitales des pays voisins », déplore un représentant d’une Association de protection de la femme et de la jeunesse. Pour y remédier et mettre un terme à cette situation, le président de l’Association des réalisateurs algériens indépendants, « À nous les écrans », Salim Aggar, a insisté sur la nécessité de conférer plus d’espaces et d’intérêt à la culture.
« La culture en Algérie est reléguée aux derniers plans, bien que le public soit grandement assoiffé. Les centres culturels doivent retrouver leurs vocations de détecteurs de talents à travers des compétitions et des festivals », a-t-il recommandé. La rencontre de concertation sur le développement consacrée à la capitale est la dernière de la première étape de la démarche engagée par le Cnes. Elle sera suivie, dès dimanche prochain, par la première Assise régionale qu’abritera la wilaya de Ouargla et qui touchera les régions sud et du sud-est du pays.
Hamid Mohandi