Selon le ministre de l’Energie et des Mines, Youcef Yousfi, les travaux préliminaires réalisés par les experts de Sonatrach, les ressources algériennes de gaz non-conventionnel sont sept fois supérieures aux ressources gazières conventionnelles. Ces ressources sont suffisantes pour prendre le relais du gaz naturel, dont les gisements devraient commencer à décliner à partir de 2030, et du pétrole que l’Algérie pourrait être contrainte d’importer dès 2020. Les ressources en gaz du schiste du Sahara sont cependant connues depuis
longtemps.L’intérêt pour ces hydrocarbures non-conventionnels s’explique, entre autres, par la nécessité d’assurer la transition énergétique du pays, par la faisabilité technique d’une telle exploitation et par des cours mondiaux élevés. Appelé également «gaz de roche-mère» ou «gaz de shale», le gaz de schiste est généré par la décomposition d’argile riche en matières organiques, et extrait à partir de terrains marneux ou argileux. Contrairement au gaz naturel, ce gaz est piégé dans les roches poreuses qui le produisent, et il est nécessaire de détruire la structure de ces roches pour pouvoir le récupérer.Il joue un rôle croissant dans l’approvisionnement en gaz aux États-Unis depuis le début du XXIe siècle. Le succès que rencontre ce nouveau type d’exploitation aux États-Unis est sous-tendu par les fortes subventions accordées, et par la législation locale, qui permet au propriétaire de mieux bénéficier des ressources du sous-sol
qu’en France.Le potentiel gazier des schistes intéresse aussi plusieurs gouvernements du Canada, d’Europe, d’Asie et d’Australie. Divers analystes s’attendent aussi à ce que le gaz de schiste puisse accroître considérablement les approvisionnements énergétiques mondiaux. Selon une étude du Baker Institute of Public Policy de l’Université Rice, l’augmentation de la production de gaz de schiste aux États-Unis et au Canada pourrait contribuer à empêcher la Russie, le Qatar et l’Iran de dicter des prix plus élevés pour le gaz qu’ils exportent vers l’Europe.Toutefois, les risques sismiques et les problèmes environnementaux constatés, et notamment la pollution de l’air et de l’eau, entraînent une forte défiance de l’opinion publique et de certains gouvernements vis-à-vis de cette ressource.Pour certains, l’exploitation des gaz de schiste retarderait aussi, le développement de politiques d’efficacité et d’économie d’énergie et celui des énergies alternatives comme les énergies renouvelables. Ce dernier argument n’est cependant pas partagé par tous. Pour certains, loin d’empêcher le développement des énergies renouvelables, la production d’hydrocarbures de schiste doit permettre de remplacer des importations extrêmement coûteuses et risquées.À l’inverse, les conséquences économiques sur d’autres secteurs que l’industrie énergétiques sont insuffisamment prises en compte. Des retombées négatives, via les pollutions engendrées, ont été identifiées dans le secteur des eaux de source et eaux potables, et ont donné lieu à une forte opposition, au moins en France, dans les secteurs du tourisme et de l’agriculture. Ce pays a donc interdis, dans le cadre de la loi du13 juillet 2011, la fracturation hydraulique.
L’Algérie veut lancer plusieurs forages de gaz de schistes
Alors que des préoccupations officielles pour les impacts environnementaux apparaissent en France, en Pologne et en Chine, le gouvernement algérien prend la décision de lancer dans le courant de 2012, plusieurs forages de gaz de schiste dans le Sud-ouest algérien.Ainsi, le gouvernement algérien compte apporter des amendements à la loi 05-07 relative aux hydrocarbures. Les amendements prévus dans ce nouveau texte sont notamment d’ordre fiscal, destinés essentiellement á attirer des investissements étrangers dans l’exploitation des gaz de schistes et l’exploration de l’offshore. C’est du moins ce qu’avait annoncé M. Yousfi le 27 février 2012, lors des travaux de la première Journée du workshop international sur le gaz de schiste organisé à Oran.M. Yousfi avait précisé que l’Algérie était «en phase d’approfondissement des études d’évaluation du potentiel». Ainsi, une vaste réflexion sur les réformes réglementaires a été, selon le ministre, lancée pour adopter un certain nombre de mesures incitatives dans le but d’intensifier la prospection, y compris dans l’offshore et les zones peu connues.
Une multitude d’obstacles
Au vu des coûts actuels de la filière, certains experts estiment qu’un investissement algérien dans le solaire serait plus soutenable. Peut être, mais pour les gaz de schiste, des obstacles sont d’ores et déjà identifiés: manque d’entreprises de sous-traitance et besoin de l’appui des majors (des accords sont en cours). Aussi, le manque d’eau dans un pays qui couvre à peine ses besoins en eau potable et pour une industrie qui en consomme des millions de mêtres cubes sera en revanche un défi considérable. Le professeur Chems Eddine Chitour, également directeur du Laboratoire de valorisation des énergies fossiles à l’Ecole polytechnique d’Alger estime «que les réserves algériennes de gaz de schistes font partie du potentiel et doivent être laissées de côté jusqu’à l’apparition de technologies matures qui ne consomment pas ou peu d’eau, qui ne détruisent pas l’environnement comme elles le font actuellement et qui n’occasionnent pas des perturbations géologiques (tremblements de terre, comme c’est le cas actuellement aux Etats-Unis)».«Leur extraction nécessite un véritable débat public qui doit trancher sur l’opportunité de les développer», ajoute t-il.En définitive, «Il nous faut aller vers les économies d’énergie, et le développement durable. Il est nécessaire de développer à marche forcée les énergies renouvelables biomasse, géothermie avec 200 sources, éolien, petite hydraulique, et solaire», suggère le professeur Chitour.Pour sa part, Abdelmadjid Attar, expert en énergie et vice-président de l’AIG, estime que les coûts de production du gaz de schiste étant plus élevés que sa valeur commerciale, la priorité, donc devait aller au développement des techniques et technologies de forage et d’exploitation afin de les réduire. Il insiste, de ce fait, sur la nécessaire maîtrise de l’impact de cette activité sur l’environnement Le chef de département d’analyse des bassins du groupe Sonatrach, Mohamed Kassed, estime, quant à lui, que les coûts de réalisation d’un forage pour l’exploitation de gaz de schiste en Algérie varient entre 10 et 15 millions de dollars. Ces coûts sont considérés «élevés» à l’heure actuelle, en comparaison avec certains pays dont les Etats-unis d’Amérique, qui activent dans ce domaine à un coût moindre.M. Kassed attribue le taux élevé des coûts de réalisation d’un seul forage, au niveau des champs de gaz de schiste, à plusieurs facteurs dont ceux ayant trait aux technologies qui permettent la réduction des coûts et aux études exactes et approfondies d’évaluation nécessitant des moyens et de grands potentiels. Cette activité doit également intégrer les experts internationaux dans ce domaine et l’acquisition d’un nouveau parc de matériels d’exploration et d’exploitation du gaz de schiste. La qualité de ce matériel, selon M. Kassed, diffère complètement des moyens utilisés dans l’exploitation du gaz traditionnel. M. Attar estime, de ce fait, que l’investissement dans le domaine des gaz de schistes pourrait se faire à long terme.Un avis que M. Yousfi ne partage pas. Selon lui: «Il n’y a pas d’emploi du temps, nous avons un potentiel considérable pour les énergies non-conventionnelles et nous sommes seulement en train d’en faire l’évaluation.» Le ministre estime, qu’«il faut construire des projets pilotes pour voir quelles sont les conditions à réunir pour exploiter le gaz de schiste… Nous continuons les études d’évaluation à travers tout le territoire national pour savoir s’il est possible de l’exploiter. Nous utilisons depuis 25 ans la technique de fracturation, ce n’est pas quelque chose de nouveau ».
B. A.