Les pharmaciens en ont gros sur le cœur. Depuis quelques mois déjà, certains médicaments, parfois même vitaux, sont tout simplement introuvables. « C’est inadmissible ! », s’exclame de but en blanc une pharmacienne, tenant échoppe à Mohammadia.
« Même si ce marché n’a jamais été des plus pérennes, la gravité de la situation s’est accrue depuis le mois de janvier dernier », assure quant à lui un autre apothicaire, exerçant dans le même quartier. « Lorsqu’il s’agit de produits comme l’acide folique ou la vitamine C, cela peut passer », lance, hors d’elle, une pharmacienne.
« Mais quand il s’agit de médicaments vitaux, pour maladies graves, cardiaques, auto-immunes, cancers ou encore stérilité, les génériques n’existent pas ».
Et la liste ne fait que s’allonger. « En fait, l’on constate, au jour le jour, que tel médicament est fini, qu’un autre stock est sur le point de prendre fin. Un peu comme un professeur qui fait l’appel tous les jours », tente de comparer un pharmacien.
Selon ces professionnels, le plus pénalisant n’est pas tant le manque à gagner, mais leur impuissance face à la détresse des malades insatisfaits. « Et, évidemment, nous sommes les seuls à essuyer les foudres des citoyens », se plaint une pharmacienne d’Alger-Centre.
« Il faut assister aux scènes qu’ils peuvent nous faire, et ce à raison », déplore-t-elle. Une autre raconte : « Ils se fâchent, maugréent, font un scandale. Mais nous ne pouvons que compatir. D’ailleurs, dès lors qu’ils comprennent que la faute ne nous incombe pas, ils se radoucissent. » D’autant plus que la plupart des malades font le tour des pharmacies dans l’espoir de s’approvisionner en cette denrée devenue si rare.
Et même plus loin parfois, comme ce monsieur, vivant à Réghaïa, et qui s’est déplacé jusqu’à Mohammadia, dans l’espoir vain de tomber sur « quelqu’un qui pourrait le dépanner ».
Méfiance à l’égard des génériques
Mais, en cas de longues recherches infructueuses, que font-ils ? « On leur propose des génériques, du moins lorsque ceux-ci sont aussi disponibles », explique un pharmacien. Et même là, nombre d’entre eux refusent, sous prétexte qu’ils ne font pas confiance à ces médicaments, que certains pensent être des « contrefaçons ».
« Depuis que je soigne mon allergie avec un générique, je présente des effets secondaires que je n’avais jamais rencontrés avec le princeps », déplore une jeune femme. Cet avis est contre toute attente, partagé par certains pharmaciens. « Prenez par exemple les suppositoires contre la fièvre pour bébé. Les nourrissons ne réagissent pas de la même manière avec le générique, et certains ne le supportent carrément pas », confie l’un d’entre eux.
Une seule issue, la mort
Dans ces cas-là, la plupart des pharmaciens conseillent à leurs clients de revoir leur médecin traitant, et ce afin que ce dernier procède à un changement de prescription.
Ce qui n’est pas toujours évident, tant certaines maladies nécessitent un irremplaçable produit. Dos au mur, il ne reste qu’une solution, « l’importation privée ». « Lorsque le traitement pour ma maladie chronique tend à se raréfier, nulle autre possibilité de me soigner que m’en procurer à l’étranger », relate une mère de famille. Ce qui n’est pas une tâche des plus simples, tant il faut guetter les déplacements et voyages de proches.
« Cela est très embarrassant. Tout ce que nous pouvons faire, lorsque nous constatons qu’il ne reste que quelques boîtes d’un médicament, est de les garder en arrière-boutique », concède une pharmacienne, en haussant les épaules. « Nous les réservons aux clients, surtout pour ce qui est des maladies chroniques », explique-t-elle, avant d’ajouter à brûle-pourpoint : « Ou bien lorsqu’un malade dans un état critique a impérativement besoin d’un des ces produits, nous les lui donnons de bonne grâce ».
Seulement, les ruptures de stocks ne concernent pas uniquement les médicaments. « Sporadiquement, l’on signale des pénuries de couches pour adultes par exemple, de certains produits cosmétiques, ou encore de serviettes hygiéniques d’importation », énumère-t-il. Puis d’ajouter : « D’ailleurs, durant ces périodes de blocage, l’on a constaté une augmentation des infections urinaires et vaginales. Malheureusement, les traitements pour ces maladies sont eux aussi parfois indisponibles.
C’est un véritable cercle vicieux. » Qu’adviendra-t-il des malades si une solution n’est pas rapidement trouvée ? « Mourir », répond, sombre, celui-ci.
Par Ghania Lassal