Dans son argumentaire visant à démontrer l’inconstitutionnalité de la suppression du bénéfice de la retraite dans la loi amendée, le député Bettatache insiste, entre autres, sur la distinction qui est faite entre les retraités affiliés à la CNR et ceux affiliés à la Caisse de retraite militaire et à la Caisse de retraite des hauts cadres de l’État.
Malgré son adoption au forceps par la majorité parlementaire le 30 novembre dernier, le projet de loi sur la retraite, dénoncé et rejeté par les syndicats autonomes, continue de susciter la désapprobation. Dernière initiative en date visant son retrait, celle du désormais ex-député du FFS, Ahmed Bettatache.
Enseignant universitaire et spécialiste en droit, ce député a décidé de soumettre une proposition aux groupes parlementaires du PT, de l’AAV et du FJD dans l’espoir de recueillir le nombre de signatures nécessaires, 50 selon l’article 187 de la Constitution, pour saisir le Conseil constitutionnel sur l’anti-constitutionnalité, selon lui, des dispositions relatives à la suppression de la retraite anticipée.
Dans le texte de la saisine dont nous détenons une copie, Ahmed Bettatache relève que cette “loi supprime la retraite anticipée pour une catégorie et en épargne une autre”. “Elle touche aux salariés affiliés à la CNR, mais, en revanche, le régime bénéficie à ceux qui sont affiliés à la Caisse de retraite militaire et à la Caisse de retraite des hauts cadres de l’État”, écrit-il, ce qui est en porte-à-faux avec l’article 32 de la Constitution, lequel stipule que “les citoyens sont égaux devant la loi, sans que puisse prévaloir aucune discrimination pour cause de naissance, de race, de sexe, d’opinion ou de toute autre condition ou circonstance personnelle ou sociale”.
En outre, l’ancien premier secrétaire du FFS observe que le texte adopté par les deux chambres parlementaires touche aussi au droit des individus qui sont protégés par la Constitution et énoncés notamment dans son préambule : “La Constitution est au-dessus de tous.
C’est la loi fondamentale qui garantit les droits et les libertés individuelles et collectives.” “Or, cette loi supprime des droits acquis depuis le décret législatif 94/10 de 1994 qui a institué la retraite anticipée et qui oblige, en vertu de son article 28, tous les salariés de tous les secteurs à payer leur contribution relative à la retraite anticipée et qui a été précisée plus tard par voie organique (…) Cette loi ne peut être appliquée par effet rétroactif sur des salariés qui ont cotisé de façon constante pour bénéficier de ce régime, alors que le taux a été réduit de 1,5 en 1994 à 0,5 en 1996 par un décret exécutif, ce qui touche au principe de légalité”, dit-il.
Interrogé par Liberté, Ahmed Bettatache n’a pas caché son optimisme quant à la possibilité d’aboutissement de sa démarche. “J’ai reçu des échos favorables de la part des groupes parlementaires”, a-t-il dit. En vertu de l’article 187 de la nouvelle Constitution, “le Conseil constitutionnel, en plus du président de la République, du président du Conseil de la nation, du président de l’Assemblée populaire nationale et du Premier ministre, peut être saisi par cinquante députés ou trente membres du Conseil de la nation (…)”.
Et en vertu de l’article 191, “lorsque le Conseil constitutionnel juge qu’une disposition législative ou réglementaire est inconstitutionnelle, celle-ci perd tout effet du jour de la décision du Conseil (…)”.