Le département d’état US s’intéresse à la corruption en Algérie : Chakib Khelil et Amar Ghoul dans le collimateur

Le département d’état US s’intéresse à la corruption en Algérie : Chakib Khelil et Amar Ghoul dans le collimateur

A travers sa représentation diplomatique à Alger, le département d’état US veut en savoir plus sur le phénomène de corruption qui ronge les institutions du pays.

Dans un communiqué rendu public hier, l’Association algérienne de lutte contre la corruption (AACC) a indiqué, qu’en date 17 avril 2013, son porte-parole, Djilali Hadjadj, a rencontré, à leur demande, des diplomates de l’ambassade américaine au siège de cette représentation à Alger.

Cette rencontre, qui s’inscrit dans le cadre de la finalisation du rapport annuel du département d’Etat sur les droits de l’homme, a permis à l’AACC de donner ses analyses sur la corruption en Algérie, analyses rendues publiques, d’ailleurs, et régulièrement mises à jour.

Le document ajoute que l’AACC a saisi l’occasion pour faire part de son point de vue sur un certain nombre de questions, dont les instruments de lutte contre la corruption et les contraintes et limites de leur application.

Le porte- parole a également rappelé à ses interlocuteurs la loi sur les pratiques de corruption à l’étranger, à savoir la «Foreign Corrupt Practice Act» (FCPA), une loi fédérale qui donne aux juridictions américaines une compétence extraterritoriale pour juger les entreprises et les citoyens américains qui auraient corrompu ou tenté de corrompre des fonctionnaires gouvernementaux étrangers ou des candidats à des postes gouvernementaux.

Cela pourrait être le cas pour Chakib Khelil, ancien ministre algérien de l’Energie bénéficiant de la nationalité américaine, possédant des biens immobiliers, notamment aux USA, et cité dans de grands scandales de corruption en Algérie, en Italie et au Canada, si les faits pouvant lui être reprochés s’avéreraient exacts.

Par ailleurs, l’AACC a rappelé aux diplomates américains que la FCPA devrait s’appliquer à l’encontre de tout ressortissant américain, et ce, en tout lieu et à tout moment, sans que «des intérêts bilatéraux», cite le document, ne puissent être mis en avant pour empêcher cette application. L’AACC cite à ce titre un précédent, aux conséquences préjudiciables pour l’Algérie, qui concerne le flou entretenu par le gouvernement britannique quant à l’extradition d’Abdelmoumen Khalifa. Les responsables de l’ambassade américaine en Algérie ont, pour leur part, confirmé que la «Foreign Corrupt Practice Act» s’appliquait de manière ferme à Chakib Khelil, en sa qualité de ressortissant américain.

L’Association que chapeaute Djilali Hadjadj a laissé entendre aux diplomates américains que l’opinion publique en Algérie est convaincue que le gouvernement de Barack Obama protège Chakib Khelil et qu’il appartenait au gouvernement américain de prouver le contraire.

L’AACC a, d’ailleurs, fait état de plusieurs exemples récents où le ministère américain de la Justice avait agi promptement à l’encontre de dirigeants étrangers corrompus ayant des biens mal acquis aux USA ou contre des chefs d’entreprises impliqués dans des cas de corruption avérés, un peu partout à travers le monde.

Le cas Amar Ghoul

L’association ajoute que, lors de cette rencontre, une diplomate a posé la question suivante : «Et le cas Amar Ghoul ?». Une demande sous-entendant son implication ou pas dans des affaires de corruption, dont celle de l’énorme scandale de l’autoroute Est-Ouest, et si oui, comment et pourquoi échapperait-il à la justice ?

A cette question, la réponse de l’AACC a été sans détour, cette dernière s’étant déjà prononcée publiquement et à plusieurs reprises sur le cas Amar Ghoul. L’Association a notamment rappelé que lorsque Amar Ghoul était ministre de la Pêche et des Ressources halieutiques, entre 1999 et 2002, elle avait publié une enquête sur la corruption dans la gestion de la pêche au thon, enquête d’ailleurs intitulée «Un Ghoul en cache un autre».

L’AACC avait demandé à ce que la justice ouvre une enquête, mais sa requête était restée sans suite alors que les faits étaient accablants. «Plus grave encore, au lieu d’être démis de ses fonctions, Amar Ghoul fut promu ministre des Travaux publics et il resta malgré l’éclatement de l’affaire dite de l’autoroute Est-Ouest, en 2010, affaire, d’ailleurs, toujours pendante devant la justice», souligne le document.

L’AACC considère qu’à partir du moment où un nombre importants de hauts fonctionnaires de ce ministère et de l’Agence nationale des autoroutes sont poursuivis en justice, et dans l’hypothèse la plus favorable, à savoir la mauvaise gestion et l’incompétence, Amar Ghoul aurait dû de lui-même quitter le gouvernement.

Enfin, l’Association rappelle «qu’il y a une justice à plusieurs vitesses», ce qui a été confirmé notamment lors de l’instruction et jugement de l’affaire Khalifa, où certains ont été accablés et d’autres protégés, en l’occurrence des ministres en exercice, ou lors du traitement des affaires des ex-walis de Blida ou de Tarf, avec, pour le premier, une «protection» au niveau de la Cour suprême et, pour le second, une condamnation à la prison ferme.

Par Fadel Djenidi