C’est aujourd’hui que la participation se joue. C’est aujourd’hui que le vote a lieu. Après, personne ne sera appelé à donner son avis sur le cours des événements. Nous les subirons. Bons ou mauvais!
Ses ennemis peuvent pavoiser. Ses adversaires aussi. Le Président Abdelaziz Bouteflika est partant. Il l’a annoncé on ne peut plus clairement dans son discours, mardi dernier à Sétif, lors de la commémoration du 8 Mai 1945. «Ma génération a fait son temps!» a-t-il martelé trois fois. Surprise, la foule réagit en scandant: «Houhdâ rabiaâ!…» Pour l’exhorter à rester et accepter un quatrième mandat. Le Président leur répond par «Aâch min aref kadrou!» qu’on peut traduire par «belle vie à celui qui sait préserver le respect de sa personne». Il lance un appel au passage du témoin. C’est à la jeunesse en particulier qu’il s’adresse. Une jeunesse qu’il tient à rassurer que la reconstruction du pays dispose maintenant «de fondations solides». Pour signifier que la mission qu’aura à assumer la relève est plus aisée que par le passé. Tout cela décrypté donne ceci: le président de la République estime qu’il a fait ce qu’il devait faire et que le moment pour lui de décrocher a sonné. Les raisons d’un tel sentiment existent. La grande question qui se pose est: quand le Président partira-t-il? Normalement son mandat actuel s’achève en 2014. On peut penser logiquement que c’est l’échéance qu’il a en tête. Mais pas seulement car il reste le défi des vastes et profondes réformes qu’il compte lancer juste après les élections qui ont lieu aujourd’hui. Même si la partie réglementaire de ces réformes a été honorée, le plus dur reste à faire. Il le dit dans ce même discours quand il précise que le 10 mai est «une étape assurément décisive dans le parachèvement du programme de réforme et de modernisation». Un parachèvement dont la révision de la Constitution doit être le premier chantier qui permettra le bon déroulement de la suite. Et c’est là que revient à l’esprit sa réponse aux sollicitations pour un quatrième mandat, de savoir «préserver le respect de sa personne» et ne pas s’obstiner à aller au casse-pipe quand on sait qu’il est là. En effet et pour la poursuite des réformes, le Président Bouteflika a besoin d’être soutenu par la majorité des Algériens. C’est le taux de participation qui exprimera ce soutien. Le Président est en droit d’attendre un fort pourcentage des suffrages qui rendra plus aisé la poursuite des réformes annoncées. Un atout supplémentaire de légitimité sans lequel l’entreprise n’aura pas toutes les chances de son côté. C’est une lecture. Une probabilité. D’accord! Mais elle tient la route si l’on interroge l’Histoire pour trouver des cas similaires. Le cas qui, par sa proximité, vient à l’esprit est celui du général de Gaulle, réélu en 1965 pour un mandat jusqu’en 1972, qui, après le «printemps (français) de Mai 1968» décide de soumettre à référendum une loi pour «la rénovation» du Sénat en précisant qu’en cas de rejet il quitterait ses fonctions. Le scrutin a eu lieu le 27 avril 1969 et le «non» l’a emporté. Le lendemain De Gaulle démissionnait, persuadé de n’avoir plus les moyens de sa politique. Pour des réformes profondes dans un pays, l’adhésion massive des citoyens facilite, en effet, la tâche du président qui les initie. Sa démission peut se résumer ainsi: «Vous ne voulez pas de mes réformes, alors continuez sans moi!». Nous espérons nous tromper dans la comparaison avec nos législatives et le moment que choisira le Président Bouteflika pour partir, mais son souci du respect mutuel qui le lie au peuple rend le scénario catastrophe possible. Le scrutin d’aujourd’hui contiendra, en réalité, trois résultats. L’élection des députés, la cohésion nationale pour protéger le pays et, fait nouveau, la garantie de la poursuite, par le président de la République, de son mandat jusqu’à terme. On pourra toujours rétorquer que le Président Bouteflika n’a point besoin d’un quelconque taux de participation aux législatives pour mener à terme les réformes, que son mandat présidentiel suffit amplement. Soit! Mais il y a aussi des chefs d’Etat plus perfectionnistes que d’autres. On peut même ajouter une autre cause d’un départ prématuré du chef de l’Etat.
Evoquant le cinquantenaire de l’indépendance de l’Algérie, le Président a rappelé que 50 ans dans la vie d’un pays c’est «5mn», c’est-à-dire très peu. A l’opposé, 13 ans à la tête d’un si jeune Etat où tout est à construire, c’est l’équivalent de 50 ans dans la vie d’un homme. En termes d’épuisement. Et le seul «dopage» possible reste la confiance renouvelée du peuple. L’immense majorité des électeurs algériens qui ne voudraient pour rien au monde mettre en jeu la stabilité du pays devraient intégrer cette nouvelle dimension du scrutin. C’est aujourd’hui que la participation se joue. C’est aujourd’hui que le vote a lieu. Après, personne ne sera appelé à donner son avis sur le cours des événements. Nous les subirons. Bons ou mauvais!