L’option Hamrouche revient avec force
L’ancien chef de gouvernement, qui rend un hommage à l’ANP, énonce les conditions qui permettent à l’État de demeurer crédible, sérieux et fiable pour ses partenaires et ses voisins. Tout un programme.
Longtemps souhaité par les uns, mais aussi longtemps exclu par bon nombre d’observateurs après de longues années de silence, l’ancien chef de gouvernement, Mouloud Hamrouche, vient de faire son come-back sur la scène politique.
L’«homme des réformes», dont on affuble encore son nom malgré le temps, qui s’est effacé pratiquement depuis sa dernière tentative de participer à l’élection présidentielle de 1999 avant de se retirer de la course avec les cinq autres candidats, est revenu, sans crier gare, par le biais d’une simple déclaration adressée, hier matin, aux médias. On a bonne souvenance aussi qu’avec Aït Ahmed et Mehri, il avait lancé, en 2007, une initiative de sortie de crise.
Aujourd’hui, intransigeant, sans fioriture aucune, il dresse un état des lieux, toute compromission exclue. N’anticipe-t-il d’ailleurs pas sur les nécessités qui doivent présider à la construction d’un véritable Etat de droit et de démocratie?
«Il est impératif, écrit-t-il, que l’État préserve tous les droits et garantisse l’exercice de toutes les libertés. Ceci est essentiel pour assurer la sécurité, renforcer les avancées, corriger les distorsions, et éliminer les failles.» M.Hamrouche pose également les conditions qui permettent à l’État de demeurer crédible, sérieux et fiable pour ses partenaires et ses voisins. Tout est dit.
La sortie de l’ancien chef de gouvernement, qui intervient dans un contexte tendu, est l’occasion de rendre hommage à l’Armée, aujourd’hui objet d’une folle polémique après les attaques du secrétaire général du FLN contre le DRS et son chef, le général Toufik. Il monte au créneau. Il se fait l’avocat d’une cause, à ses yeux, noble en rappelant que «la renaissance de notre identité algérienne et notre projet national ont été cristallisés, abrités et défendus, successivement, par l’Armée de libération nationale, puis, l’Armée nationale populaire». Pour lui, les conditions permettant à l’ANP d’assurer sa mission plus aisément et efficacement et aux institutions constitutionnelles d’assumer clairement leur rôle et fonction existent dans la République. Que veut-il?
Plusieurs interrogations brûlent les lèvres des observateurs.
Cette sortie est-t-elle un prélude à l’annonce d’une éventuelle participation à l’élection présidentielle du 17 avril prochain? Ou n’est-elle qu’une déclaration conjoncturelle intervenant au lendemain de l’initiative du trio Ali Yahia Abdenour, Rachid Yellès et Ahmed Taleb Ibrahimi qui se sont positionnés contre un 4e mandat de Bouteflika? A-t-il été incité à la faire? Par qui et dans quel but? A quoi obéit cette initiative qui taraude l’esprit de nombreux observateurs sagaces et qui intervient à deux mois seulement de la présidentielle du 17 avril prochain?
En filigrane, Mouloud Hamrouche, qui a été pendant longtemps l’enfant banni de l’Armée, à qui est reproché sa mauvaise gestion du dossier du FIS dissous en 1990 lorsqu’il était chef de gouvernement, avant d’être remplacé par Sid Ahmed Ghozali, fait un appel du pied à ses partisans ou à ce qu’il en reste, de la classe politique. Sa déclaration ressemble à l’histoire d’un amoureux éconduit qui fait son mea-culpa…à l’Armée pour qu’il ne soit plus l’enfant damné de la République. Il semble vouloir ainsi assainir son vieux contentieux avec l’Institution militaire et se proposer en «homme de consensus» qui poursuivra les réformes politiques, lui qui s’était distingué par le lancement du train de réformes au lendemain des événements d’octobre 1988.
Cela même si dans sa sortie, il n’a pris aucune position claire et franche sur la question du 4e mandat ou de sa candidature. Il n’y a, en effet, aucun signe probant de sa candidature ou de son ralliement à un autre candidat de quelque bord que ce soit.
Cependant, M.Hamrouche n’a pas manqué de convoquer «la promesse d’édifier un État moderne qui survit aux hommes, aux gouvernements et aux crises», pastichant la célèbre phrase de son mentor, Houari Boumediene, au lendemain du renversement de Ben Bella, le 19 juin 1965, qui plaidait pour un «Etat qui survive aux hommes et aux institutions».
Et de rappeler aussi «l’engagement pris de poursuivre le processus démocratique» et «la promesse de continuer la réforme». Il estime que «pour que notre pays vive ces échéances (l’élection présidentielle, Ndlr) dans la cohésion, la sérénité et la discipline légale et sociale, il est primordial que les différents intérêts de groupes, de régions et de minorités soient préservés et garantis». Sa réapparition après une longue éclipse ne s’apparente-t-elle pas a une offre de service? Surtout que certaines sources évoquent déjà la piste Hamrouche pour assurer un mandat de transition. Il est, dès lors, permis de se demander si l’ancien chef de gouvernement nourrit l’espoir de se porter candidat à la présidentielle de 2014?
Si tel était le cas, a-t-il encore suffisamment de temps pour ficeler son dossier et collecter les 60.000 signatures des citoyens ou 600 signatures d’élus à 15 jours seulement de la date butoir du dépôt des dossiers de candidature?
En tout cas, certains observateurs prédisent que la déclaration de Hamrouche balise le terrain à une annonce autrement beaucoup plus importante. Mais laquelle? Estime-t-il qu’il peut jouer le rôle de l’homme providentiel et prétendre à un destin national?
Les jours à venir nous renseigneront davantage sur les desseins inavoués de Mouloud Hamrouche.