Les spécialistes soulignent que les stratégies industrielles de la Tunisie et du Maroc ne font aucune référence au Maghreb.
Existe-t-il une volonté politique de construire le Maghreb dans les trois pays maghrébins ?
M. Abdelaziz Rahabi en doute. “Personne ne trouve un intérêt particulier à construire le Maghreb”, a-t-il indiqué, hier lors d’une rencontre sur “le coût du non-Maghreb”, animée par M. Francis Ghilès, chercheur au Centre d’études internationales de Barcelone (Espagne) et organisée par le Cercle d’action et de réflexion autour de l’entreprise (Care) en collaboration avec la Fondation Friedrich-Naumann et le journal les Afriques.
M. Francis Ghilès a publié récemment dans Le Monde Diplomatique un article sur le sujet sous le “non-Maghreb” coûte cher au Maghreb. “Le coût du non-Maghreb peut se décliner selon des partitions différentes : énergie, banques, transports, agroalimentaire, éducation, culture ou tourisme.
Le commerce entre États d’Afrique du Nord équivaut à 1,3% de leurs échanges extérieurs, le taux régional le plus bas du monde”, a relevé Francis Ghilès.
Il n’est pas interdit de rêver : la conférence de Francis Ghilès souhaitait proposer une démarche qui focalise sur les moyens à mettre en œuvre et les processus à suivre pour que la région puisse, en 2030, devenir un interlocuteur écouté par l’Union européenne et les autres blocs économiques.
Il évoque des secteurs qui pourraient être particulièrement porteurs pour constituer le carburant de cette intégration, citant comme exemple un partenariat possible entre Sonatrach et le groupe OCP marocain. Tout un programme. Un programme fiction que M. Francis Ghilès souhaite voir réalisé.
Et pour que cette prospective s’effectue, il faut que les règles de bonne gouvernance des organisations, des marchés et de l’État fonctionnent selon les normes internationales. “Il faut que les règles ne changent pas tous les 10 jours. L’instabilité des règles est la pire des choses pour un investisseur”, a-t-il affirmé.
Il faut faire jouer, aussi, la diaspora. “Sinon on n’arrivera à rien”, a estimé M. Francis Ghilès, citant l’exemple de la Chine et de l’Inde. “Cette diaspora maghrébine, qui détient environ 200 milliards de dollars déposés hors des frontières de la région, qui proviennent de tous les pays sans exception et qui travaillent à créer de la richesse et des emplois ailleurs qu’au Maghreb, doit être mobilisée.” “Il faut seulement une volonté politique”, pense M. Francis Ghilès. Mais M. Abdelaziz Rahabi précise que le Maghreb des affaires existe.
C’est le Maghreb politique qui fait défaut. Et même sur le plan économique, M. Rahabi estime que les économies des différents pays ne sont pas complémentaires. Et puis il y a “la mémoire au Maghreb”. Durant la décennie noire, lorsque l’Algérie affrontait le terrorisme, le Maroc et la Tunisie ont négocié l’accord d’association avec l’Union européenne sans attendre l’Algérie, avec l’Otan aussi.
L’économiste Abdelmadjid Bouzidi abonde dans le même sens. Les stratégies industrielles de la Tunisie et du Maroc ne font aucune référence au Maghreb. Du coup, M. Abdelaziz Rahabi estime qu’“il ne faut pas faire porter à l’Algérie le coût du non-Maghreb”.
S’il y a quelque chose à reprocher au pouvoir politique en Algérie, c’est de ne pas donner de la lisibilité aux opérateurs économiques algériens, de les accompagner dans leur conquête des marchés extérieurs. En un mot, il manque en Algérie un projet clair à long terme qui puisse mobiliser tous les acteurs. Ce débat-là est plutôt interne.
Meziane Rabhi