Le coup de bill’art du Soir: «Ni-ni» de tous les pays, unissez-vous !

Le coup de bill’art du Soir: «Ni-ni» de tous les pays, unissez-vous !

Un dialogue véridique entre le cardinal Mazarin et Jean-Baptiste Colbert a été reconstitué dans la pièce de théâtre Le Diable rouge écrite par Antoine Rault et mise en scène par Christophe Lidon en 2009. Le cardinal Mazarin fut un diplomate et homme politique au service des rois de France Louis XIII et Louis XIV.  Jean-Baptiste Colbert fut un des principaux ministres de Louis XIV, contrôleur général des finances de 1665 à 1683.

Colbert : Pour trouver de l’argent, il arrive un moment où tripoter ne suffit plus. J’aimerais que Monsieur le surintendant m’explique comment on s’y prend pour dépenser encore quand on est déjà endetté jusqu’au cou.

Mazarin : Quand on est un simple mortel, bien sûr, et qu’on est couvert de dettes, on va en prison. Mais l’État, l’État, lui, c’est différent. On ne peut pas jeter l’État en prison. Alors, il continue, il creuse la dette ! Tous les États font ça.

Colbert : Ah oui ? Vous croyez ? Cependant, il nous faut de l’argent. Et comment en trouver quand on a déjà créé tous les impôts imaginables ?

Mazarin : On en crée d’autres.

Colbert : Nous ne pouvons pas taxer les pauvres plus qu’ils ne le sont déjà.

Mazarin : Oui, c’est impossible

Colbert : Alors, les riches ?

Mazarin : Les riches, non plus. Ils ne dépenseraient plus. Un riche qui dépense fait vivre des centaines de pauvres.

Colbert : Alors, comment fait-on ?

Mazarin : Colbert, tu raisonnes comme un fromage ! Il y a quantité de gens qui sont entre les deux, ni pauvres ni riches. Des Français qui travaillent, rêvant d’être riches et redoutant d’être pauvres !  C’est ceux-là que nous devons taxer, encore plus, toujours plus ! Ceux-là ! Plus tu leur prends, plus ils travaillent pour compenser. C’est un réservoir inépuisable.

Avec son style plus direct, l’humoriste américain George Carlin a expliqué la situation en 1992 : «Vous savez comment je définis les classes sociales et économiques dans ce pays ? La haute société garde tout l’argent, ne paye aucun impôt. La classe moyenne paye  tous les impôts, fait tout le travail. Les pauvres sont là… simplement pour donner une putain de frayeur à la classe moyenne. Pour qu’ils se pointent à leurs boulots.»

En effet, ces «Ni-ni» (ni riches ni pauvres) sont aujourd’hui ce qu’on appelle  «la classe moyenne».

K. B.