L’exercice illégal de la pharmacie prend une ampleur inquiétante. Des pharmaciens louent leurs diplômes à des personnes non qualifiées en violation de la loi. Le Conseil de l’ordre des pharmaciens tire la sonnette d’alarme et dénonce les trabendistes du médicament.
Le phénomène n’est guère nouveau mais face au silence des pouvoirs publics, il prend des proportions inquiétantes. C’est le cas notamment à M’sila où la section ordinale s’inquiète des conséquences induites par l’absence des pharmaciens au niveau des officines. Son président monte au créneau, interpellant le ministre de la Santé. Dans une correspondance datée du 4 mai dernier, le président de la section ordinale des pharmaciens de la wilaya de Sétif saisit de manière officielle Ould Abbès. Il y évoque «un problème grave», à savoir la location des diplômes de pharmacien et leur exploitation par des personnes ne faisant guère partie de ce corps. Nabil Trabelsi écrit que «ce phénomène a pris une envergure dangereuse dans la wilaya de M’sila. Une enquête et un travail ont été effectués par les services de la Direction de la santé et de la population mais sans suite». Il y rappelle que la section ordinale avait également saisi l’inspecteur général, également sans succès. Le président de la section ordinale évoque dans ses nombreuses correspondances un risque sur la santé publique du au fait que plus de vingt pharmacies à M’sila sont gérées par des non-pharmaciens qui habitent à des centaines de kilomètres, voire à l’étranger. «Ces faits étant de notoriété publique, je m’étonne que ces graves anomalies n’aient été relevées ni par la DSP ni par les inspections diligentées par l’inspection générale. Au-delà de l’aspect réglementaire quant à l’exercice illégal, c’est la santé publique qui nous interpelle dans la mesure où au moins deux communes de la wilaya de M’sila sont aux mains de non-professionnels et que dans au moins deux communes aucun pharmacien titulaire n’est présent sur les lieux ni n’est impliqué dans la gestion de son officine.» Catégorique, Nabil Trabelsi parle d’«officines aux mains des trabendistes du médicament ». Suite à ces écrits, la DSP de M’sila avait diligenté une enquête, confirmé les affirmations de la section ordinale et auditionné les gérants des pharmacies en cause. Depuis, aucune mesure n’a été prise. Pourtant, l’arrêté n° 067/MSP du 9 juillet 1996 fixant les conditions d’exercice de la profession de pharmacien d’officine est clair. Tout un chapitre y est consacré aux modalités L’article 39 stipule qu’«en toute circonstances, les médicaments doivent être préparés par un pharmacien ou sous la surveillance de celui-ci». L’article 40 quant à lui stipule qu’«une officine doit rester fermée en l’absence du pharmacien titulaire ou chargé de la surveillance technique de l’établissement, sauf si ce dernier s’est fait régulièrement remplacer. La durée légale d’un remplacement ne peut en aucun cas dépasser un an». Des sanctions sont prévues par l’article 42 qui énonce que «tout pharmacien qui aura employé même occasionnellement une personne ne satisfaisant pas aux conditions fixées par la loi, encourt la fermeture de son établissement pour une durée de trois mois et en cas de récidive, la fermeture définitive». Des dispositions jamais appliquées. C’est tout juste si le ministre de la Santé déclarait récemment que «la gestion d’officines par des personnes inaptes est inadmissible», ajoutant que son département prendra en charge ce problème. Comment ? Ould Abbès ne le dit pas…
N. I.